Gageons qu’à dix jours de la primaire de la droite et à six mois de la présidentielle, ces chiffres de Bruxelles vont être encore plus exploités que d’habitude par le personnel politique français. A en croire les « prévisions d’automne » de la Commission européenne, rendues publiques mercredi 9 novembre, le déficit public de la France repassera sous la barre des 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2017, à − 2,9 %, comme promis par Paris à la Commission en 2015.

Mais « à politique inchangée », autrement dit, sans recettes additionnelles ou coupes supplémentaires dans les dépenses de l’Etat, le déficit public dépassera immédiatement ce fameux plafond de 3 % imposé par le pacte de stabilité et de croissance l’année suivante, s’affichant à nouveau à − 3,1 % du PIB en 2018…

Si le taux de chômage devrait continuer à légèrement baisser (à 10 % de la population active en 2016, 9,9 % en 2017 et 9,6 % en 2018), le poids de la dette publique ramené au PIB va, lui, à en croire Bruxelles, continuer à s’alourdir, à 96,8 % en 2017 et 97,1 % en 2018.

Pour établir ces chiffres, la Commission s’est basée sur des hypothèses de croissance très légèrement plus modestes que Bercy, tablant sur 1,4 % de hausse du PIB en 2017 (contre 1,5 % pour Paris) et s’appuyant sur le projet de budget 2017 envoyé par Paris.

Quelles conclusions relatives tirer de ces chiffres ? Que sur le papier, la présidence Hollande aura peut-être bien, au final, réussi son pari de redresser les finances publiques : la France affiche un déficit excessif (supérieur à 3 %) depuis 2008 et le déficit public moyen était de 5,4 % entre 2008 et 2012. Mais ses efforts risquent d’être insuffisants afin que le solde public se maintienne durablement sous le plafond des 3 %.

« Une question de crédibilité »

Les vives critiques de la droite française, accusant le gouvernement actuel de laisser filer les dépenses et de concocter un « budget de campagne » pour 2017, n’ont que peu d’échos à Bruxelles, où les « pays à problèmes », pour l’an prochain, sont davantage l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Finlande ou la Belgique.

En revanche, l’« après-élections » françaises inquiète, alors que les candidats de la primaire à droite parlent tous de s’affranchir momentanément des exigences du pacte de stabilité.

« La France ne doit en aucun cas rater le rendez-vous des 3 % de déficit public dès 2017 », rappelle le commissaire à l’économie, Pierre Moscovici. « Ce n’est pas un fétichisme de la règle, mais une question de crédibilité. La marche n’est pas énorme : le pays devrait pouvoir être à 3,3 % en 2016. Mais la France ne doit pas être le dernier pays d’Europe à avoir un déficit au-dessus de 3 % en 2018 », ajoute l’ex-ministre des finances du gouvernement Ayrault.

La Commission Juncker s’est distinguée, ces deux dernières années, par son interprétation particulièrement flexible du pacte de stabilité, autorisant Rome à déduire de son « déficit bruxellois » des milliards d’euros au titre de la crise des migrants, recommandant de ne pas sanctionner le Portugal et l’Espagne malgré le non-respect par ces deux pays des engagements pour leurs budgets 2015. Et évidemment, en accordant en 2015 un énième délai de deux ans à la France.

Cette nouvelle période de grâce pour un pays déjà bénéficiaire à répétition de la clémence bruxelloise, était passée difficilement auprès des « petits Etats », durement touchés par la crise et l’austérité, ayant le sentiment qu’une fois de plus les « grands » pays bénéficiaient d’un traitement de faveur. Devoir de nouveau, en 2017, prendre position sur un budget français « explosant » les 3 % pour 2018, sans pour autant désavouer un tout nouveau gouvernement ? La Commission n’a absolument pas envie de se retrouver dans cette position intenable.