Une peinture murale intitulée « When Pigs Fly » (« Quand les cochons volent) et réalisée par les artistes Rei Ramirez et Ivan Roque, le 8 novembre 2016 à Miami. | RHONA WISE / AFP

La soirée avait commencé dans la joie et la bonne humeur dans un hôtel chic près de l’aéroport et du quartier Little Havana. Elle s’est terminée dans le silence et la stupéfaction. Au fur et à mesure que la carte des Etats-Unis se colorait en rouge des républicains de Donald Trump, la nuit électorale organisée par le Parti démocrate à Miami s’est vidée un à un de ses partisans, sans un bruit, comme sonnés par un coup de massue que personne n’avait vu venir.

« C’est irréel, impensable, qui aurait cru pareil scénario ? », lâche Viktor, jeune expert en travaux intérieurs, avachi sur un fauteuil devant la télévision. « Nous sommes face à une catastrophe », ajoute Gary Krane, resté debout autour du bar.

Tee-shirt de Bernie Sanders sur les épaules, bob fleuri encollé sur la tête, ce spécialiste en informatique qui a participé au programme de sécurisation des votes lâche : « Vous imaginez les conséquences d’une présidence Donald Trump ? Quelles seront nos relations à présent avec la Chine et la Russie qui se sont alliées pour attaquer nos sites Internet, nos réseaux et bases de données ? C’est très inquiétant. »

« Vous imaginez les conséquences d’une présidence Donald Trump ? C’est très inquiétant. »

Jossie, jeune Afro-Américaine et militante pro-Hillary de la première heure, ne veut pas y croire. « Nous avons un raciste et un misogyne à la tête du pays, dit-elle. Un homme qui ne paie pas ses impôts et qui ment comme il respire. Comment en sommes-nous arrivés là ? »

Sursaut républicain

La surprise paraît d’autant plus grande que les derniers sondages en Floride donnaient Hillary Clinton en tête avec une petite avance, mais stable. Le camp démocrate avait même montré des signes rassurants, fort de son implantation locale, ses 82 QG de campagne et son armée de volontaires. Les statistiques des votes anticipés ont même confirmé une forte poussée de l’électorat latino, favorable aux deux tiers aux démocrates.

Sur les 6,2 millions de votes anticipés, un million venait des Latinos, soit 75 % de plus qu’en 2012. Et le taux de participation avait été particulièrement élevé dans le sud et le centre de la Floride, là où des milliers de Portoricains et de migrants d’autres régions d’Amérique latine s’étaient installés ces dernières années.

Rien n’y a fait. La base républicaine s’est rassemblée et regroupée derrière son candidat, malgré les dissensions. En 2012, Mitt Romney avait perdu la Floride avec 74 309 voix, soit moins de 1 % des suffrages, avec une participation de 74 % des électeurs républicains. Selon les organisateurs du GOP, un accroissement de la participation républicaine de 7 % était susceptible d’arracher la victoire. Ils semblent avoir atteint leur objectif. Les études fines des résultats attendus ces prochaines heures devraient apporter plus de détails sur ce sursaut républicain.

Dehors, un peu plus loin dans le quartier de Little Havana, sur la Calle Ocho, la 8e rue, quelque 200 républicains célèbrent aux cris de « USA ! USA ! » la victoire de leur poulain devant le restaurant Versailles, fief des Cubains anticastristes. Ernan Jeires, débarqué il y a trente-huit ans aux Etats-Unis, porte haut un drapeau américain à la main. Le vieil homme a du mal à cacher sa joie : « C’est ça, la démocratie, non ? »