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C’est avec une satisfaction non dissimulée que le ministre de l’économie et des finances, Michel Sapin, a accueilli les prévisions d’automne de la Commission européenne. Bruxelles, en effet, confirme la capacité de la France à atteindre l’objectif de 3,3 % de déficit à la fin de l’année, alors que la Commission elle-même tablait sur 3,4 %. Surtout, malgré une prévision de croissance en 2017 (1,4 %) légèrement inférieure à celle retenue dans le projet de loi de finances (1,5 %), la Commission estime que la France devrait repasser sous les 3 % de déficit en 2017, ce qui n’est plus arrivé depuis 2007.

M. Sapin ne s’est pas privé, mercredi 9 novembre devant la presse, de commenter ces appréciations européennes. « Clairement, la commission décerne le brevet à la France de passer sous les 3 %, a-t-il appuyé. Il y a tellement de scepticisme que cela me semble important de le souligner. » La déclaration de Bruxelles permet au ministre de rejeter le procès que lui avait intenté la droite d’avoir parsemé ce dernier budget du quinquennat de « bombes à retardement » pour 2018.

« S’agissant des baisses et des crédits d’impôt inscrits en 2018, j’ai toujours dit qu’ils étaient intégrés dans nos prévisions pluriannuelles, assure-t-il. La commission prévoit 3,1 % en 2018 mais elle ne prend pas en compte les mesures d’économies à venir. » Bref, alors que la France, depuis dix ans, a souvent été considérée comme le mauvais élève de l’Europe sur le plan de l’assainissement budgétaire, ses prévisions, adossées à l’exécution des deux derniers exercices, viennent de recevoir un satisfecit de la Commission qui fait rosir de « plaisir » M. Sapin.

Celui-ci a apporté quelques précisions sur le projet de loi de finances rectificative (PLFR) qui doit être présenté en conseil des ministres vendredi 18 novembre. Un collectif budgétaire qui devrait probablement tenir compte du fait que l’objectif de 1,5 % de croissance prévu en 2016 sera, reconnaît M. Sapin, « difficile à atteindre ». « On sera quelque part entre 1,3 et 1,5 %, a-t-il indiqué. Entre 1,3 et 1,5 c’est 1,4 % mais on verra quel choix nous ferons, dans le dialogue avec les institutions concernées. » Selon sa première estimation publiée mercredi, la Banque de France prévoit une croissance de 0,4 % au quatrième trimestre.

Perte de recettes compensée

Le PLFR devrait également intégrer un nouveau dispositif de taxe sur les dividendes à la suite de la censure prononcée, le 30 septembre, par le Conseil constitutionnel. Cette contribution de 3 %, en effet, n’était pas applicable aux montants distribués entre sociétés d’un même groupe lorsque celui-ci est sous le régime de l’intégration fiscale. Un mécanisme excluant de fait les filiales de groupes étrangers, ce que le Conseil a jugé contraire au principe de l’égalité devant l’impôt.

Le gouvernement avait dès lors le choix entre deux options : supprimer cette exonération ou l’étendre aux filiales de groupes étrangers. Il a opté pour la seconde, ce qui entraînera, selon M. Sapin, une perte de recettes de 300 millions d’euros. « Mais, a-t-il précisé, ce sera compensé par une mesure que nous avons discutée avec l’AFEP [l’association des grandes entreprises françaises], car ce sont les très grandes entreprises qui sont concernées, et qui nous permettra de trouver une solution acceptable pour tous, sans coût pour l’Etat. » Il s’est cependant refusé à donner de plus amples détails sur cette compensation.

C’est enfin dans ce PLFR que devrait figurer le dispositif, mis sur pied par l’ancien ministre de l’économie Emmanuel Macron sous le nom de « compte entrepreneur-investisseur », destiné à alléger la fiscalité sur les plus-values réalisées par des entrepreneurs qui vendent leur entreprise pour réinvestir dans d’autres. Si le principe en est retenu, il devrait toutefois être sérieusement encadré et son nom même devrait changer. L’objectif, selon M. Sapin, est que ce dispositif bénéficie strictement à l’investissement dans des PME innovantes, avec une obligation d’accompagnement de la part du chef d’entreprise investisseur.

Quant au projet de loi de finances, dont l’examen se poursuit à l’Assemblée nationale, le ministre a clairement écarté l’amendement déposé par le député (PS) du Cher, Yann Galut, contre l’optimisation fiscale des grandes entreprises, dit amendement « Google Tax ». « Je pense que ce n’est pas une bonne solution puisque ce serait en définitive extrêmement favorable aux entreprises concernées, a jugé M. Sapin. Nous n’avons nul besoin de “Google Tax” mais plutôt de mettre en œuvre les mesures dont nous disposons. »