Saut en wingsuit freestyle
Durée : 01:55

Les adeptes de vols libres sont habitués à rester suspendus aux vidéos de Vince Reffet et Fred Fugen, les deux « Soul Flyers », comme ils se dénomment depuis la création de leur association, en 2009. Leurs sauts, tête la première et fumigènes rouges aux pieds, de la tour la plus haute du monde, la Burje Dubaï à l’été 2014, ou leur vol à partir de 10 000 mètres d’altitude au-dessus du mont Blanc sont des références.

Que ce soit en parachute, parapente, base jump, freefly (chute libre), wingsuit, les deux amis d’Annecy enchaînent les démonstrations dans des sites naturels d’exception. Ils franchissent aujourd’hui une nouvelle étape avec la diffusion, jeudi 10 novembre, de leur dernière réalisation, produite par Red Bull : quatre-vingt-dix secondes de vol en wingsuit freestyle « quelque part au cœur des Dolomites ».

Mais d’abord quelques précisions. Le wingsuit consiste à effectuer un saut en combinaison ailée, particulièrement délicat lorsqu’il est réalisé à proximité de reliefs, montagnes, falaises. A Agordo, dans les pré-Alpes italiennes, le wingsuit intègre pour la première fois une troisième dimension, avec des figures – « mouv’» – verticales.

Avec ses figures verticales, le wingsuit freestyle ajoute une troisième dimension aux vols des hommes chauve-souris Fred Fugen et Vince Reffet. | SUPERSIZE FILMS / RED BULL CONTENTS POOL

D’emblée, Frédéric, 37 ans, et Vincent, 32 ans, que nous rencontrons à Paris le 9 novembre, mettent en garde. Derrière l’apparente facilité et les sourires affichés, il y a « un gros travail ». Triples champions du monde de parachutisme par équipe (2004, 2006, 2008), invaincus en compétition de 2004 à 2009, tous deux sont titulaires d’un brevet de parachutisme professionnel et instructeurs de freefly ; ils totalisent quelque 15 000 sauts chacun. Un solide bagage auquel s’ajoute la complicité de quinze années de saut ensemble. Et une confiance absolue. Même lorsqu’ils parlent, leur discours ne fait qu’un, leurs phrases s’enchaînent. « Il y en a d’autres qui font des vidéos sympas, il n’y a pas que nous. Pour tous, c’est du boulot », commence Fred « Sinon, ils font splash », complète Vince.

Des combinaison gonflables permettent à Vince Reffet et Fred Fugen de planer et de diriger leur vol à proximité des reliefs. | SUPERSIZE FILMS / RED BULL CONTENTS POOL

« Des fois, on est obligé de relativiser, sinon on pleurerait tous les jours », s’excuse presque Fred. « Quand on a tourné cette vidéo, continue Vince, pendant les trois jours d’entraînement, on a eu deux morts, des potes à nous [dont Alexander Polli, wingsuiteur italo-norvégien de 31 ans, le 22 août au Brévent, à Chamonix]. Là, il y a deux réactions possibles. Soit on se dit on arrête tout, soit on essaye de regarder les erreurs qu’ils ont faites », « et comprendre ce qui s’est passé », termine Fred.

Le wingsuit ne s’improvise pas. « C’est le problème aujourd’hui, poursuit Vince Reffet. Des gens vont trop rapidement sauter près des montagnes sans s’entraîner suffisamment avant depuis des avions, cela amène à des accidents. » Un professionnalisme qui contraste avec l’inconscience de certains amateurs. Là, le plus jeune des Soul Flyers s’emporte : « Tu as des mecs qui, après avoir vu une vidéo de base jump, vont dans un club faire une vingtaine de sauts, et se lancent. Mais une vingtaine de sauts c’est zéro comme expérience ! »

Pour ce projet, une soixantaine de sauts d’avion et une quinzaine de sauts dans les Dolomites ont été nécessaires pour arriver au programme parfait. Les entraînements en avion sont plus faciles, parce qu’ils partent de plus haut, disposent de plus de temps, sans risque de percuter une paroi. Quand les figures sont bien maîtrisées, ils peuvent se rapprocher progressivement des reliefs.

« Dans ces sauts, on a des plans B en permanence, si on a une “désynchro”, on ne va pas tenter de la rattraper [le temps de chute est trop court]. On va s’arrêter, s’éloigner, ouvrir le parachute et refaire un saut. »

Fred Fugen et Vince Reffet, deux amis se tiennent par la main, Au-dessus des Dolomites, à quelque 200 km/h. | SUPERSIZE FILMS / RED BULL CONTENTS POOL

Noah Bahnson, le « buddy » photographe

Dans les airs, les deux hommes ne sont pas seuls. Ils sautent avec leur cameraman, Noah Bahnson, « un vrai Texan ». Avec lui ils mettent leurs mouvements au point au sol avant de prendre l’hélicoptère ou l’avion. Champion du monde de wingsuit 2016, Noah suit les deux hommes en freefly, wingsuit, base jump, freestyle… « C’est la personne parfaite, apprécie Vince. On sait qu’il peut nous suivre partout. Peu de mecs en sont capables. » « Cela fait trois ans qu’il nous filme sur tous nos projets, ajoute Fred. S’il n’avait pas le niveau qu’il a, la vidéo ne serait pas aussi belle. Lui, c’est notre “buddy”, notre copain, “pote-à-moi”. »

Frédéric et Vincent, les Soul Flyers, réalisent leur rêve : voler. | SUPERSIZE FILMS / RED BULL CONTENTS POOL

Autre relation professionnelle importante, Olivier Guiraud, manager d’athlètes chez Red Bull, un de leurs principaux sponsors. Fred et Vince lui apportent les idées, puis ils en discutent ensemble. « Ce qui est cool avec eux, c’est qu’ils ne nous poussent pas du tout », souligne Fred. Et à la fin, ce sont Fred et Vince qui décident. « On est dans des sports à risques, les sponsors le savent, et la dernière chose dont ils ont envie c’est qu’on se blesse, insiste Fred. Il n’y a aucune pression. Ce sont même eux qui nous freinent parfois. Un lien d’amitié s’est créé avec Olivier, même si, à la base, il n’avait jamais sauté. Il est toujours le premier à nous rappeler que c’est la sécurité avant tout. »