A la Bourse de New York le 9 novembre. | BRYAN R. SMITH / AFP

Souvent femme varie, mais finalement beaucoup moins que les marchés financiers. L’élection de Donald Trump a donné lieu, mercredi 9 novembre, à un incroyable retournement de situation sur les marchés. L’indice S&P 500 – promis à une descente aux enfers sur les marchés à terme au moment où les investisseurs ont découvert le résultat des urnes, dans le sillage d’une Bourse de Tokyo en recul de 5,4 % – a finalement ouvert en hausse.

Le Dow Jones s’est offert le luxe de gagner 1,4 % et le S&P 500, 1,11 %. Le CAC 40 avait profité de ce changement d’humeur pour terminer sur une croissance inattendue de 1,49 %, dont ont bénéficié également le DAX allemand (+ 1,56 %) et le FTSE 100 britannique (+ 1 %). Même le dollar, qui avait dans un premier temps cédé du terrain face à l’euro, a fini par s’apprécier, tandis que les taux des emprunts souverains américains se sont tendus contre toute attente.

Jeudi 10 novembre, l’indice Nikkei, qui avait manqué la fête surprise la veille, s’est envolé de 6,72 %. Finalement, seul le peso mexicain, considéré comme la monnaie la plus vulnérable au protectionnisme prôné par M. Trump, n’a pas réussi à remonter complètement la pente. Il faut dire qu’il perdait 14 % face au dollar au plus fort de la panique.

Qui eût parié sur un tel scénario quand Wall Street avait passé ces dernières semaines à afficher sa peur de voir le candidat républicain l’emporter ?

« Les marchés ont de la mémoire. Ils se souviennent du Brexit, lorsque les Bourses européennes ont perdu 11 % à l’ouverture, avant de rebondir : cette séance du 24 juin s’était finalement révélée la meilleure opportunité d’achat de l’année. Pour pouvoir profiter d’une telle éventualité, les investisseurs s’étaient préparés ces dernières semaines en se délestant de leurs actifs risqués, en conservant beaucoup de cash », explique François Rimeu, responsable performance absolue de La Française.

Discours conciliant

Les premières déclarations de M. Trump après le résultat du scrutin ont, semble-t-il, rassuré les investisseurs. Le président élu a, en effet, troqué son habit de provocateur pour adopter un discours conciliant, félicitant même son adversaire Hillary Clinton qu’il avait menacé d’envoyer en prison quelques semaines plus tôt. Alors que l’imprévisibilité du milliardaire amène les analystes à fonder leurs scénarios économiques autour d’un « bad Trump » ou d’un « Trump light », cette soudaine sobriété a fait pencher la balance du bon côté.

« N’oublions pas que la campagne de Trump a continuellement surpris le public. Il est tout à fait possible qu’après son élection il puisse surprendre positivement les marchés », commente Stefan Kreuzkamp, chez Deutsche Asset Management.

« Les investisseurs ont choisi de mettre de côté les aspects les plus inquiétants du programme de M. Trump – comme le mur à la frontière mexicaine, ou la hausse de 40 % des tarifs douaniers sur les biens chinois – pour se concentrer sur les mesures keynésiennes classiques promises par le président républicain qui pourraient être bénéfiques pour la croissance », souligne M. Rimeu.

« Nous allons rénover nos centres-villes, reconstruire des autoroutes, des ponts, des tunnels des aéroports, des écoles, des hôpitaux », a d’ailleurs rappelé M. Trump : « Nous allons reconstruire nos infrastructures et nous allons donner du travail à des millions de personnes en faisant cela. »

Pas étonnant dès lors que le fabricant de matériel de travaux publics Caterpillar (+ 7,7 %) ait été l’un des grands gagnants de la séance à Wall Street, de même que le cimentier Lafarge-Holcim (+ 4,03 %) sur Euronext. Les valeurs pharmaceutiques, comme Pfizer (+ 7,07 %) et Merck (+ 6,07 %), menacées par les baisses du prix des médicaments prévues par Hillary Clinton, ont également cédé à l’euphorie. A Paris, l’action Sanofi a bondi de 5,84 %.

Les banques, autres poids lourds de la cote américaine, ont aussi bénéficié d’un allant inattendu, de JPMorgan (+ 4,6 %) à Bank of America (+ 5,71 %). D’abord parce que Wall Street parie que M. Trump aura la main moins lourde en matière de régulation que son adversaire démocrate. Surtout parce que la relance attendue devrait se traduire par un alourdissement du déficit budgétaire, une augmentation du programme d’emprunt de Washington et donc une hausse des taux, bénéfique aux banques.

Les opérateurs de marchés ont d’abord pensé que l’élection de M. Trump allait conduire à reporter la hausse des taux attendue en décembre. Avant de confirmer le scénario initial, mais tout en restant optimistes, car ils misent cette fois sur une croissance renforcée grâce aux mesures Trump. Reste à savoir combien de temps les investisseurs conserveront ces lunettes rose vif...

Victoire de Donald Trump : « Le président américain a beaucoup moins de pouvoirs qu’on ne l’imagine »
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