Les Français ne seront pas obligés de donner leurs empreintes digitales pour le « mégafichier » controversé quand ils demanderont une carte d’identité. Jeudi 10 novembre, Bernard Cazeneuve a fait une première concession concernant ce fichier TES (titres électroniques sécurisés), censé rassembler les données de 60 millions de Français. « Dans le cadre d’une demande ou d’un renouvellement de carte d’identité, le recueil et le versement des empreintes digitales dans la base TES seront soumis au consentement express et éclairé » du demandeur, qui pourra s’y opposer, a expliqué le ministre de l’intérieur.

Il a également évoqué une autre « évolution du dispositif », afin de répondre aux craintes des détracteurs du projet relatives à la sécurité des données, sensibles, stockées par ce fichier (identité, couleur des yeux, domicile, photo, empreintes digitales…). Le ministre a ainsi assuré, pour « garantir une sécurité informatique absolue », qu’un avis de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information sera demandé : le dispositif ne pourra être déployé qu’après son homologation.

La secrétaire d’Etat au numérique, Axelle Lemaire, aux côtés de Bernard Cazeneuve lors de cette déclaration, a précisé que cet avis serait « conforme », c’est-à-dire « que ses préconisations devront être obligatoirement remplies avec un suivi et une évaluation réguliers ».

Des recours déposés devant le Conseil d’Etat

Axelle Lemaire avait auparavant critiqué, dans le journal L’Opinion, la décision du gouvernement de mettre en place ce fichier par décret, « en douce, un dimanche de Toussaint, en pensant que ça ne passerait ni vu ni connu ». Elle avait alors assuré ne pas avoir été prévenue de la création de ce fichier et s’était inquiétée des « réels problèmes de sécurité » que pouvait poser sa mise en place.

Malgré la discrétion du gouvernement, le décret n’est pas passé inaperçu et a déclenché de vives inquiétudes et polémiques. Bernard Cazeneuve s’est finalement résolu à organiser un débat parlementaire, réclamé par les détracteurs du fichier, dont l’issue pourrait mener à « compléter ce décret ». Le ministre de l’intérieur a toutefois refusé mercredi de suspendre le décret jusqu’à ce débat.

Jeudi, un premier recours au Conseil d’Etat a été déposé pour « excès de pouvoir » contre ce mégafichier, par un particulier. D’autres sont prévus : la Ligue des droits de l’homme a annoncé son intention de déposer un recours, tout comme le think tank Génération libre, mais aussi Les Exégètes amateurs, qui regroupe des associations de défense des libertés numériques comme La Quadrature du Net.