Les joueurs français, le 13 novembre 2015, après le match contre l’Allemagne. | MIGUEL MEDINA / AFP

Le visage de Patrice Evra traduit au moins la surprise, au pire la peur. A la 20e minute du match amical France-Allemagne, l’arrière gauche des Bleus a le ballon dans les pieds lorsqu’une détonation retentit dans le Stade de France, à Saint-Denis. C’est la deuxième en trois minutes. Plusieurs supporteurs réagissent comme si un pétard festif, classique dans les stades de football, venait d’exploser.

Mais le football est très loin ce soir du 13 novembre 2015. Dehors, aux abords de l’enceinte dyonisienne, trois terroristes ont actionné leur ceinture d’explosif. Dans la capitale, au Carillon, au Petit Cambodge, à La Belle Equipe et au Bataclan, 130 personnes vont périr sous les tirs des terroristes.

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« Nous sommes liés par ce drame, que ce soit nous, les joueurs ou les personnes présentes dans le stade, a déclaré le capitaine de l’équipe de France, Hugo Lloris, en conférence de presse, jeudi 10 novembre, à la veille du match France-Suède, décisif pour la qualification au Mondial 2018 en Russie. C’est un événement tragique, mais comme on a l’habitude de dire : il faut toujours regarder devant et essayer de tourner la page, même si cet événement marquera nos mémoires à vie. »

Diarra : « Rester unis face à l’horreur »

Le 13 novembre 2015, les joueurs de l’équipe de France ne prennent connaissance de la situation qu’en rentrant aux vestiaires après le coup de sifflet final. Assis aux côtés du président de la République, François Hollande, le président de la Fédération française de football (FFF), Noël Le Graët, a décrit sa « mission » ce soir-là, au micro de RTL : « Redescendre le plus calmement possible à ma place et, à la mi-temps, faire passer le message que personne ne puisse prévenir ni les arbitres, ni les deux équipes de ce qu’il se passait à l’extérieur. C’était très difficile de passer une heure à faire semblant. »

Dans les tribunes, les spectateurs se dirigent vers les portes nord, sud et ouest, comme indiqué par le speaker du stade qui annonce « un incident ». Après un mouvement de foule, une grande partie du public se réfugie finalement sur la pelouse du Stade de France. Les métros sont à l’arrêt à cause du signalement de plusieurs colis suspects.

Les Allemands dorment dans les vestiaires

Dans le même temps, les joueurs français et leurs homologues allemands restent cloîtrés dans les vestiaires. Ils en profitent pour apporter leur soutien aux victimes et à leurs familles sur les réseaux sociaux. Antoine Griezmann donne notamment des nouvelles de sa sœur, sortie indemne du Bataclan.

Lassana Diarra publiera un peu plus tard une lettre pour rendre hommage à sa cousine, morte dans l’une des fusillades. « Dans ce climat de terreur, il est important pour nous tous, qui sommes représentants de notre pays et de sa diversité, de prendre la parole et de rester unis face à une horreur qui n’a ni couleur, ni religion », écrit le milieu défensif de l’Olympique de Marseille. Quelques jours plus tard, il tiendra sa place lors de la confrontation face à l’Angleterre, à Wembley, qui s’apparentera plus à un acte de résistance qu’à un véritable match de football.

Une fois la pelouse du stade évacuée, les Bleus attendront 2 h 45 du matin pour sortir des vestiaires et rejoindre Clairefontaine. Les Allemands, eux, n’ont pas bougé. Choqués, ils passent la nuit dans le stade et repartent le lendemain matin pour l’Allemagne. « On voulait éviter tout risque et on a décidé de ne pas traverser Paris et de rester dans les vestiaires », explique le manager, Oliver Bierhoff, le lendemain dans L’Equipe. « Ils ne voulaient plus quitter le stade, ils sont restés dormir, se souvient Noël Le Graët. Nos équipes ont fait ce qu’il fallait en ramenant des matelas, de la bière… »

12 joueurs sur 23 étaient présents le 13 novembre

Pour la rencontre face à la Suède, quasiment un an jour pour jour après les attentats, la FFF a sollicité l’UEFA pour qu’une minute de silence soit respectée en hommage aux victimes. François Hollande et tous les présidents des clubs de Ligue 1 et Ligue 2, invités par M. Le Graët, devraient être présents dans les tribunes, vendredi soir.

Le président de la FFF en a profité pour réaffirmer l’importance de la sécurité du Stade de France : « On ne baisse pas la garde. On fait toujours très attention. La priorité lorsqu’il y a un spectacle de haut niveau et une foule qui ne demande qu’à regarder le jeu, c’est la sécurité. »

Sur le terrain, vendredi soir, les Bleus devront battre la Suède pour conforter leur première place, qu’ils partagent avec leur adversaire du jour. Vainqueurs des Pays-Bas (0-1), le 10 octobre, les hommes de Didier Deschamps doivent écarter les Suédois qui, même désormais privés de leur star Zlatan Ibrahimovic, pourraient s’imposer comme leur véritable concurrent pour la qualification directe.

Sur les 23 joueurs convoqués par Didier Deschamps, douze étaient au Stade de France le 13 novembre 2015. Parmi eux, Patrice Evra, appelé au dernier moment pour suppléer au forfait de Layvin Kurzawa, aura sans doute une pensée particulière à la 20e minute du match.