La foire AKAA, « Aslo Known As Africa », organisée jusqu’au 13 novembre au Carreau du Temple à Paris, fait la part belle à des artistes reconnus du continent africain, comme l’Algérien Rachid Koraïchi, le Béninois Romuald Hazoumé ou le Marocain Hassan Hajjaj, mais aussi à quantité de jeunes créateurs montant. Voici nos quatre coups de cœur.

Girma Berta, « Moving Shadows ». | COURTESY ADDIS FINE ART GALLERY

Girma Berta, galerie Addis Fine Art

Il a 26 ans, l’assurance des jeunes nés avec les nouveaux médias. L’Ethiopien Girma Berta les maîtrise tous, à commencer par l’iPhone et Instagram. Il a d’ailleurs remporté la bourse Getty Images Instagram d’une valeur de 10 000 dollars. Mais le designer graphique présenté par la galerie Addis Fine Art sait donner, si ce n’est du relief, du moins un supplément d’âme aux plates images numériques. Pour la série « Moving Shadows », il a glané des scènes de rue à Addis-Abeba, qu’il a ensuite isolées sur des fonds colorés. Quoi de plus banal pensez-vous ? Sauf qu’il n’est pas si aisé de prendre des photos dans les artères de la capitale éthiopienne. « Les gens sont réticents, ils ne se laissent pas faire, confie-t-il. Ce n’est pas dans notre culture d’être pris en photo. Grâce à mon iPhone, je prends les photos vite, les gens ne s’en rendent pas compte, ils pensent que je regarde quelque chose sur mon téléphone. Mais je tente de faire en sorte qu’ils ne soient pas reconnus. »

Nicola Brandt, « Once », Outside Lüderitz (2013). | COURTESY GUNS AND RAIN GALLERY

Nicola Brandt, galerie Guns and Rain

C’est un passé colonial bien douloureux que la photographe namibienne d’origine allemande Nicola Brandt a choisi de faire resurgir dans les photos présentées par la galerie Guns and Rain. Traquant l’horreur derrière le pittoresque de Shark Island, au large de Lüderitz, la jeune artiste de 33 ans a exhumé les souvenirs de la guerre germano-herero-nama de 1904-1908. Derrière les paysages lunaires, la voie de chemin de fer qui a participé à l’essor économique du pays, il y a le spectre des camps où les Herero et les Nama furent tenus en captivité. L’insalubrité, les sévices et les nombreux viols avaient alors porté le taux de mortalité à 70 % sur Shark Island.

Nobukho Aqaba, « Ndikhangela mena », 2015. | COURTESY ART MEETS CAMERA

Nobukho Nqaba, galerie Art meets camera

La famille, encore et toujours. La famille et ses accessoires. Ce thème n’en finit pas de tarauder l’artiste sud-africaine Nobukho Nqaba, exposée par la Galerie Art meets camera. Pour la mère, l’obsession, c’était les sacs en plastique, où elle enveloppait ses effets lors de ses allers-retours entre la ferme située dans la petite ville de Grabouw et le Cap. « Ces sacs pour moi posent une question : qu’est-ce qu’un chez-soi ? », confie la jeune femme, qui ne dispose d’aucune trace photographique de son enfance. De son père mineur, la jeune artiste a gardé le souvenir du bleu de travail, et de couvertures, omniprésentes dans leur intérieur. Dans cette série, elle se met en scène, bataillant avec les couvertures ou s’enroulant dedans, dans un « je t’aime moi non plus » caractéristique de ses relations tumultueuses avec son paternel.

Joana Choumali, « M. Salbre », 2014. | COURTESY 50 GOLBORNE GALLERY

Joana Choumali, galerie 50 Golborne

L’Ivoirienne Joana Choumali fut la révélation de la biennale Photo Quai à Paris en 2015. Dans la série exposée par la galerie 50 Golborne, elle traite de la question de la scarification. Autrefois signe de reconnaissance, cette pratique fut par la suite remisée, jugée barbare, impropre au mode de vie urbain. Difficile de trouver aujourd’hui des haabré, ces personnes au visage traversé d’incisions. Ses modèles, elle les a trouvés dans la rue, pour la plupart âgés, immigrés du Burkina Faso et du Nigeria. Il n’a pas été simple de les amadouer pour qu’elles consentent à se faire photographier. Certains sont amers, las des préjugés, de se faire traiter de balafrés et de ringards. Dans ses portraits traités sur un fond neutre, Joana Choumali redonne une dignité, mieux, un sentiment de fierté, à cette génération qui porte dans sa chair un héritage aussi lourd qu’indélébile.

AKAA, 11-13 novembre, Carreau du Temple, 4, rue Eugène-Spuller, Paris 3e, www.akaaartfair.com