Que fera donc le futur occupant de la Maison Blanche, Donald Trump, des initiatives soutenues par l’actuel président Barack Obama pour dynamiser l’entrepreneuriat en Afrique ? La question risque de se poser en 2017 en ce qui concerne l’African Business Fellowship, une initiative venue d’Afrique avec l’appui du président Obama et qui consiste à placer pendant six mois des jeunes talents américains en début de carrière dans des entreprises africaines en forte croissance. Une sorte d’Erasmus en entreprise, entre les Etats-Unis et l’Afrique.

C’est un entrepreneur, le milliardaire zimbabwéen Strive Masiyiwa, qui a conçu en 2015 ce programme comme une contrepartie africaine à l’initiative Young African Leaders (YALI) lancée en 2010 par Barack Obama et qui a vu à des milliers de jeunes Africains se former à l’entrepreneuriat et au leadership dans vingt universités américaines.

Strive Masiyiwa en est convaincu : « Ce programme permettra aux jeunes Américains qui seront peut-être demain les PDG des plus grandes firmes de leur pays de développer des liens forts avec l’Afrique. Ils seront les ambassadeurs de l’Afrique en Amérique. » Entièrement financé par le secteur privé, l’African Business Fellowship a déjà bénéficié à plusieurs entreprises africaines comme Safaricom, Orbit Chemicals, Kuramo Capital, les cimenteries Dangote mais aussi quelques start-up au Nigeria comme Hotels.ng ou Printivo.

L’homme le plus riche du Zimbabwe, qui s’est rendu célèbre en transformant Econet, la petite société de téléphonie qu’il a fondé à Harare en 1993, en un vaste empire de l’Internet et des télécommunications pesant plusieurs centaines de millions de dollars, était présent à la réunion annuelle de l’African Leadership Network sur l’île Maurice, début novembre.

Quelle est l’utilité de l’African Business Fellowship ?

Strive Masiyawa Nous ne voulons plus que le continent africain soit perçu avec condescendance comme une destination « exotique » alors qu’en Afrique nous faisons des affaires et prenons des décisions comme partout ailleurs. Je veux que demain les futurs patrons des grandes multinationales américaines aient une réelle expérience de l’Afrique. Lorsque les jeunes que nous sélectionnons, à la fin du programme, repartiront aux Etats-Unis, ils conserveront des liens forts avec l’Afrique qui serviront à susciter des partenariats entre entreprises américaines et africaines. Ils contribueront à changer le regard sur l’Afrique.

Quand avez-vous démarré ce programme ?

Nous l’avons lancé il y a un an en partenariat avec l’African Leadership Network et d’autres organisations. La première promotion comprend treize jeunes professionnels américains. Les candidats devaient avoir un diplôme et au moins dix ans d’expérience. Nous en avons auditionné environ deux cents partout sur le territoire américain, puis ce sont directement les entreprises partenaires africaines qui ont fait leur choix en fonction de leurs besoins. Une fois qu’ils sont sur place, ils reçoivent une formation. Devant le succès de cette première et les retours très positifs des entreprises partenaires, nous avons décidé de doubler la taille de la promotion 2017 et d’envoyer trente personnes. Nous faisons donc appel à davantage d’entreprises africaines. Nous allons faire grossir les promotions année après année.

Quelles entreprises peuvent accueillir ces Américains ?

C’est très ouvert, peu importent le secteur et la taille de la société. Il peut s’agir d’entreprises africaines très globalisées comme de sociétés locales. On retrouve le spécialiste des télécommunications Safaricom, le groupe de construction Dangote, des sociétés du bâtiment, de la finance, de la chimie comme Orbit Chemicals, des start-up Internet, etc.

Quelles sont les retombées concrètes pour le continent ?

Le président Obama sélectionne bien chaque année depuis 2010 près de 500 de nos jeunes Africains pour les accueillir, les former et leur apprendre à faire des affaires aux Etats-Unis avec l’initiative Young African Leadership ! Donc j’ai décidé de faire la même chose dans l’autre sens. Nous pouvons bien nous aussi faire venir une dizaine de jeunes Américains chaque année pour leur apprendre comment faire des affaires en Afrique ! Les relations avec les Etats-Unis doivent reposer sur l’équilibre et la réciprocité. Les bénéfices sont évidents, surtout qu’à la fin de chaque promotion, les participants deviennent des ambassadeurs de l’Afrique. Ils pourront soit rester en Afrique, soit repartir aux Etats-Unis avec une connaissance profonde des réalités locales, une vision juste du terrain. Par ailleurs, je tiens à préciser que ce programme n’est pas financé par un gouvernement, mais par le secteur privé. C’est une initiative venue d’Afrique, porté par des Africains.

Ce programme est-il réservé à l’Afrique anglophone ?

Toute l’Afrique est concernée, tous les pays africains peuvent participer, qu’ils soient francophones, anglophones, lusophones… Nous aimerions par exemple que des entreprises basées au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou ailleurs en Afrique francophone expriment le désir d’accueillir des candidats américains de la prochaine promotion, afin que l’Afrique francophone renforce elle aussi ses liens avec les Etats-Unis. Elles le peuvent, à condition toutefois que les participants américains soient capables de travailler quotidiennement en français.

Après les Etats-Unis, on dit que vous préparez l’extension de ce programme aux jeunes professionnels venus de Chine et d’Inde ?

Oui, c’est en tout cas mon espoir !