Un point d’accueil pour les demandeurs d’asile près de Munich, dans le sud du pays. | CHRISTOF STACHE / AFP

Qui sont les réfugiés arrivés en Allemagne ces trois dernières années ? Comment sont-ils venus ? Avec quels moyens ? Animés de quels espoirs et attachés à quelles valeurs ? A ces questions, une vaste enquête, publiée mardi 14 novembre par l’Institut de recherche sur le marché du travail et les professions de Nuremberg, apporte de nombreuses réponses.

D’une ampleur inédite, cette étude a été réalisée en collaboration avec l’Office fédéral des migrations et des réfugiés et l’Institut pour la recherche économique de Berlin à partir d’entretiens réalisés entre juin et octobre avec 2 349 réfugiés âgés de 18 ans et plus. Arrivées en Allemagne entre le 1er janvier 2013 et le 31 janvier 2016, les personnes interrogées ont répondu à 450 questions au total.

L’une des parties les plus intéressantes de l’enquête – et peut-être celle qui fera le plus réagir, compte tenu de sa tonalité générale qui contredit de façon frontale les discours alarmistes ou anxiogènes sur l’immigration – porte sur les valeurs auxquelles les réfugiés se disent attachés et leur comparaison avec celles des Allemands.

Fuir la guerre pour les droits de l’homme

Questionnés sur les raisons de leur départ, les réfugiés citent, pour 70 % d’entre eux, la peur de la guerre. Parmi les réponses, vient ensuite la volonté d’échapper aux persécutions (44 %), aux discriminations (38 %), au travail forcé (36 %). Seules 32 % des personnes interrogées évoquent la situation économique de leur pays d’origine comme motif d’émigration.

Pourquoi avoir choisi l’Allemagne ? A cette question, le respect des droits de l’homme est la raison citée la plus fréquemment (73 %), largement en tête devant le niveau du système éducatif (43 %) et l’ouverture du pays à l’égard des étrangers (42 %).

Un attachement à la démocratie comparable à celui des Allemands

Interrogés sur leurs valeurs politiques, les réfugiés arrivés en Allemagne entre 2013 et 2016 répondent, pour 96 % d’entre eux, que la démocratie est le meilleur des systèmes. Parmi la population allemande, ce taux est de 95 %, rappellent les auteurs de l’étude, qui s’appuie sur la sixième vague du « World Value Survey », une vaste enquête internationale sur l’évolution des valeurs à travers le monde, réalisée entre 2010 et 2014.

Parmi les réfugiés, 21 % pensent toutefois qu’« il faut un homme fort qui ne doit pas s’occuper du Parlement et du résultat des élections » ; tandis que 55 % d’entre eux partagent l’idée que « des experts – et non le gouvernement – doivent décider ce qui est bon pour le pays ».

Comme le notent les auteurs de l’étude, « il peut paraître préoccupant, au nom des principes démocratiques, qu’un cinquième des personnes interrogées expriment un point de vue autocratique, et que la moitié d’entre elles valorisent la technocratie ». Mais, ajoutent-ils, « ce penchant antidémocratique ne semble pas plus répandu parmi les réfugiés qu’au sein de la population allemande ». Selon les résultats du WWS, 22 % des Allemands sont favorables à un homme fort et 59 % à un gouvernement des experts.

Un rapport analogue au genre et à la religion

Pour 92 % des réfugiés, les hommes et les femmes doivent avoir les mêmes droits, soit exactement la même proportion qu’au sein de la population allemande ; 93 % d’entre eux considèrent que « les droits civiques sont nécessaires pour protéger les individus face à l’Etat » ; 13 % estiment que « les dirigeants religieux sont fondés à influencer la loi ». Parmi les Allemands, 8 % sont de cet avis.

En comparant ces chiffres à ceux du WWS pour les pays d’origine des migrants, les auteurs de l’étude arrivent à la conclusion suivante : « Même quand les réfugiés viennent de régions dans lesquelles la moitié des personnes interrogées sont pour que les religieux influencent la loi ou favorables à un homme fort, leurs réponses sont plus proches de celles des Allemands que des personnes restées dans leur pays d’origine. »

S’agissant du regard sur les femmes, 86 % des réfugiés (contre 72 % des Allemands) estiment qu’« avoir un travail est, pour une femme, la meilleure façon d’être indépendante » ; 30 % sont d’avis que, « quand une femme gagne plus d’argent que son conjoint, cela conduit à des problèmes » (18 % des Allemands) ; 18 % pensent que « les parents doivent être davantage préoccupés par les études et la formation de leur fils que par celles de leur fille » (20 % des Allemands).

Reprise par plusieurs médias allemands dès les heures qui ont suivi sa parution, cette partie de l’enquête, qui tend à montrer que les valeurs des réfugiés sont analogues à celles de la population allemande, a également été commentée par la ministre social-démocrate du travail, Andrea Nahle. « Ceux qui viennent en Allemagne le font par attachement à nos valeurs ainsi qu’aux droits de l’homme et des minorités », a-t-elle déclarée, avant d’ajouter : « J’espère que ces résultats contribueront à l’objectivation du débat en Allemagne. »