C’est la saison de l’abondance des sorties, celle aussi où la couleur du ciel incite à se mettre à l’abri d’une salle de cinéma. L’offre est si riche qu’on pourrait ne pas voir le jour de la semaine, en passant des spectres élégants de Rebecca Zlotowski aux créatures magiques de J. K. Rowling, des collégiens éblouissants filmés par Olivier Babinet à la ballerine d’Angelin Preljocaj et Valérie Müller.

LES FANTÔMES TRAVERSENT L’ÉCRAN : « Planetarium »

PLANETARIUM - BANDE ANNONCE OFFICIELLE / VF
Durée : 02:00

Troisième long-métrage de Rebecca Zlotowski après Belle-Epine et Grand Central, Planetarium porte encore plus haut ses ambitions, entremêlant casting international et film d’époque, plongée médiumnique et montée des périls, délire politique et illusion cinématographique, métaphore enfin d’une menace qui semble de nouveau inquiéter le temps présent.

Dans le Paris de la fin des années 1930, les sœurs Barlow (Natalie Portman et Lily-Rose Depp), médiums américaines, se produisent dans un cabaret. Un producteur de cinéma, André Korben (Emmanuel Salinger qui incarne un personnage inspiré de Bernard Natan, dirigeant de Pathé assassiné à Auschwitz) les fait venir chez lui pour des séances privées avant de les inviter à participer à un film dont l’ambition est de filmer la présence des morts. Tout ici forme réseau. Entre la croyance en la puissance rédemptrice du cinéma et la destruction des juifs d’Europe qui s’annonce, Rebecca Zlotowski nous parle, avec une ironie amère, mais avec une croyance intacte dans son art, de la vie des morts. Jacques Mandelbaum

« Planetarium », film français de Rebecca Zlotowski, avec Natalie Portman, Lily-Rose Depp, Emmanuel Salinger (1 h 45).

MAGIE ET POLITIQUE DANS LE NEW YORK STEAMPUNK DE J. K. ROWLING : « Les Animaux fantastiques »

Les Animaux Fantastiques - Bande Annonce Finale (VOST) - Eddie Redmayne
Durée : 02:31

Dérivé lointain de la saga Harry Potter, Les Animaux fantastiques se révèle une excellente surprise. J. K. Rowling, l’auteure des romans, était jusqu’alors consultante pour leur adaptation, elle fait ici ses débuts de scénariste. L’histoire se base sur un personnage à peine évoqué dans les aventures du sorcier : Norbert Dragonneau (Eddie Redmayne), l’auteur d’un manuel scolaire, spécialiste des créatures magiques, exerçant ses talents au début du XXe siècle.

Sous couvert d’une chasse trépidante aux créatures magiques lâchées dans New York par Norbert, ses aventures prennent la forme d’un débat sur l’exercice clandestin de la magie. Le réalisateur, David Yates, embrasse avec enthousiasme les pyrotechnies magiques de rigueur. Malgré quelques excès, l’usage des effets numériques est très pertinent. Il donne vie à ce récit original avec un plaisir réel et contagieux, ménageant de jolies pauses, mettant en scène ce New York steampunk des années 1920. Noémie Luciani

« Les Animaux fantastiques », film américain de David Yates, avec Eddie Redmayne, Katherine Waterston (2 h 13).

LES PIEDS EN BANLIEUE, LES YEUX AU CIEL : « Swagger »

FA SWAGGER
Durée : 01:58

Ce documentaire tourné à Aulnay-sous-Bois, avec des élèves du collège Claude Debussy forme un fabuleux portrait de groupe qui lorgne du côté du cinéma fantastique, du polar, de la comédie musicale, de la science-fiction, nous propulsant, tant il déjoue tous les clichés attachés à la banlieue, à des années-lumière de tout ce que l’on a pu voir jusqu’à présent sur la Seine-Saint-Denis. Swagger condense en une décharge électro-pop la fougue d’une jeunesse conquérante, gonflée d’espoir, et le blues du ghetto.

Si ce film émeut tant, s’il a suscité, déjà, un tel enthousiasme, c’est que son objet n’est pas tant la banlieue que la subjectivité de ses personnages, formidables personnalités dont il exalte les sentiments, le désir, l’imaginaire. Des histoires de déracinement, d’enfants propulsés trop tôt dans l’âge adulte, s’articulent chez celui-ci avec un amour inconditionnel du rock, chez cette autre avec un désir ardent de devenir architecte. A partir de ces expériences singulières, dont aucune ne se recoupe, Swagger invite à reconfigurer tout ce que l’on pensait savoir sur la banlieue. Isabelle Regnier

« Swagger », documentaire français d’Olivier Babinet (1 h 24).

L’ANNONCE FAITE A NICOLE : « Le Petit Locataire »

LE PETIT LOCATAIRE - Bande-annonce - Karin Viard
Durée : 01:36

Toutes les familles heureuses ne se ressemblent pas. D’abord, il peut leur arriver des choses extraordinaires, comme une grossesse non désirée sur le coup de la cinquantaine. Ensuite, la manière de faire face à l’adversité peut les sortir du lot. C’est ce que font les Payan dans Le Petit Locataire, premier long-métrage de Nadège Loiseau, comédie dont la vitalité fait allègrement passer les maladresses.

Nicole (Karine Viard) est la matriarche d’un clan dont quatre générations cohabitent sous le toit d’un pavillon au pied d’une montagne. Sa mère (Hélène Vincent) s’affaiblit doucement. Arielle, sa fille aînée (Manon Kneusé) élève sa propre fille Zoé (Stella Fenouillet). Le seul homme de la maisonnée, Jean-Pierre (Philippe Rebbot), mari de Nicole, père d’Arielle, est au chômage depuis longtemps.

Nadège Loiseau se préoccupe avant tout de ses personnages, avec sollicitude et lucidité. Ses acteurs (et c’est bien ennuyeux, cette règle du masculin au pluriel, parce que – aussi attachant que soit le personnage de Philippe Rebbot – ce sont surtout Karine Viard, Hélène Vincent et l’étonnante Manon Kneusé qui portent le film), accompagnent avec enthousiasme la réalisatrice dans ses allers-retours entre burlesque et thérapie familiale. Malgré quelques à-coups, Le Petit Locataire coule très naturellement, très gaiement. Thomas Sotinel

« Le Petit Locataire », film français de Nadège Loiseau, avec Karin Viard, Hélène Vincent, Manon Kneusé, Philippe Rebbot (1 h 39).

UN SAUT VERS LA LIBERTÉ : « Polina, danser sa vie »

Polina, danser sa vie - Bande annonce officielle - UGC Distribution
Durée : 01:45

Du roman graphique de Bastien Vivès, succès de librairie en 2011, Angelin Preljocaj et Valérie Müller ont gardé le titre et la trame : les années de formation d’une ballerine qui décide, alors qu’elle est sur le point de devenir danseuse étoile, de prendre la tangente pour rejoindre le monde libre de la danse contemporaine.

Le reste leur appartient. Construit comme une succession de tableaux qui voient filer la jeune Polina vers son destin, le film invente un langage qui passe par les corps et la danse, renouant avec la grande tradition de la comédie musicale hollywoodienne dans laquelle le récit est pris en charge par la danse. En même temps, le film s’inscrit dans un contexte réaliste, de la Russie natale de Polina jusqu’aux rues d’Anvers où elle trouve sa voie. Le chorégraphe et la réalisatrice ont hybridé la danse et le cinéma, au risque de l’impureté mais avec cette conviction que le mouvement exprime la vie dans son essence. I. R.

« Polina, danser sa vie », film français d’Angelin Preljocaj et Valérie Müller avec Anastasia Shevtsova, Niels Schneider, Juliette Binoche (1 h 48).