Lors de la minute de silence au Stade de France, le 11 novembre, avant le match France-Suède qualificatif pour le Mondial 2018. | FRANCK FIFE / AFP

Ces derniers jours, la planète football avait les yeux tournés vers la Coupe du monde 2018 en Russie. Partout dans le monde, les équipes nationales se sont affrontées pour obtenir l’un des 31 tickets qui restent à prendre (la Russie est qualifiée d’office en tant que pays organisateur). Certains pays sont déjà en très bonne position pour participer à la prochaine grande fête du foot, en particulier le Brésil, l’Uruguay, l’Egypte, le Nigeria, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse et la Pologne. Les Bleus de Didier Deschamps, qui ont battu la Suède (2-1) vendredi 11 novembre au Stade de France, semblent aussi bien partis pour se qualifier. L’Argentine, finaliste du dernier Mondial, est en difficulté, tout comme l’Algérie et le pays de Galles, demi-finaliste du dernier Euro.

Dans les prochaines semaines, les regards vont se porter beaucoup plus loin, vers la Coupe du monde 2026. En effet, le conseil de la Fédération internationale de football (FIFA) doit statuer les 9 et 10 janvier prochain sur un probable élargissement de la Coupe du monde, qui entrerait vraisemblablement en vigueur à partir de 2026. Un tel élargissement est soutenu par Gianni Infantino, le nouveau président de la FIFA, qui avait promis, lors de sa campagne, d’étendre la Coupe du monde de 32 à 40 équipes. « Huit pays de plus vibreraient au rythme de la Coupe du monde, disait-il alors. Ça boosterait la compétition, et du point de vue commercial plus d’équipes, cela signifie plus de matchs et donc plus de revenus. » Le prince Ali Ben Al-Hussein, qui était également candidat, avait pour sa part suggéré une extension à 36 équipes. Au début d’octobre, Infantino a proposé d’aller encore plus loin : 48 équipes.

On comprend aisément pourquoi la FIFA et son président ont intérêt à continuer de faire grossir la Coupe du monde. Plus de 85 % des revenus de la FIFA proviennent de la compétition, via la vente des droits télé et des droits d’exploitation commerciale. Autoriser plus de pays à participer au Mondial, le plus grand événement sportif au monde, c’est aussi un argument électoral majeur. Plus de revenus, c’est également l’assurance de pouvoir augmenter les dotations à toutes les associations nationales, y compris celles qui ont très peu de chances de participer au Mondial, mais dont le vote compte autant que celui des grosses nations de football. Rappelons que, pour l’élection de son président, la FIFA utilise le système un pays une voix.

Infantino pour un Mondial à 48 équipes

Il semble donc quasiment certain que le conseil de la FIFA votera l’élargissement de la Coupe du monde. Dès lors, la vraie question qui se pose, c’est plutôt celle-ci : comment profiter de l’élargissement pour améliorer la Coupe du monde ? Nombreux sont ceux qui décrivent le format actuel à 32 équipes comme idéal. Pourtant, je pense qu’un format à 42 équipes serait encore meilleur, car il permettrait de résoudre simplement et naturellement le problème du nombre de places allouées à chaque continent.

Infantino a expliqué à quoi un Mondial à 48 équipes pourrait ressembler : 32 équipes participeraient à un tour de qualification à élimination directe, et les 16 vainqueurs rejoindraient 16 équipes directement qualifiées pour la phase de groupes ; le tournoi se déroulerait alors comme aujourd’hui : 8 groupes de 4, suivis par des huitièmes de finale, des quarts de finale, des demi-finales et la finale. Mais un tel format fonctionnerait aussi bien avec un nombre quelconque N d’équipes, tant que N est supérieur à 32 et ne dépasse pas 64. Par exemple, dans un format à 39 équipes, 25 pays seraient qualifiés directement pour la phase de groupes et seraient rejoints par les 7 vainqueurs d’un tour qualificatif à 14 équipes. Alors pourquoi 48 équipes ? La question mérite d’être posée.

Jusqu’à présent, c’est la FIFA qui décidait combien de pays un continent avait le droit d’envoyer à la phase finale de la Coupe du monde. Par exemple, pour le prochain Mondial en Russie, la FIFA a alloué 13 places à l’Europe (en plus du pays organisateur), 5 à l’Afrique, 4 à l’Amérique du Sud, 4 à l’Asie et 3 à la Concacaf (Amérique du Nord, Amérique centrale et Caraïbes). Seules 2 places se joueront lors de barrages intercontinentaux (Asie-Concacaf et Amérique du Sud-Océanie). Cette allocation arbitraire suscite régulièrement des critiques : les confédérations non européennes estiment que la FIFA donne trop de places à l’Europe ; l’UEFA, la confédération européenne, rétorque que les performances passées des équipes européennes et leur classement FIFA devraient leur valoir encore plus de représentants. J’estime qu’un format à 42 équipes pourrait résoudre le problème. Voici ce que je propose.

Un barrage intercontinental complet

Je suggère d’utiliser le nouveau tour de qualification comme un barrage intercontinental complet, que j’appelle « challenge intercontinental ». Par cela, j’entends un barrage où figureraient toutes les oppositions intercontinentales possibles : Afrique-Asie, Europe-Concacaf, Amérique du Sud-Asie, Afrique-Europe, etc. Étant donné la faiblesse relative de l’Océanie, surtout depuis que l’Australie a rejoint la confédération asiatique en 2006, Asie et Océanie seraient considérées comme une seule et même confédération dans le cadre de ce barrage. Le barrage mettrait donc aux prises 5 confédérations, il y aurait alors exactement 10 oppositions intercontinentales possibles, ce qui signifie que 20 équipes, 4 par continent, participeraient au challenge intercontinental. Les 10 vainqueurs rejoindraient 22 pays qualifiés d’office pour la phase de groupes. Au total, 42 équipes participeraient donc à la phase finale de la Coupe du monde.

Pour répartir les 22 places directement qualificatives pour la phase de groupes entre les différents continents, la FIFA pourrait simplement se baser sur la règle actuelle et retirer 2 places à chaque continent : 11 pour l’Europe, 3 pour l’Afrique et l’Amérique du Sud, 2 pour l’Asie et la Concacaf, plus une pour le pays hôte. Il faudrait légèrement modifier ces chiffres dans le cas où le Mondial serait organisé conjointement par plusieurs pays. La FIFA pourrait aussi revoir cette répartition tous les quatre ans en fonction des résultats du précédent barrage intercontinental. Sur la base de ces chiffres, la phase de groupes pourrait comprendre 7 équipes africaines, 5 équipes de la Concacaf, et 4 équipes asiatiques, si les équipes de ces continents obtiennent de bons résultats lors du challenge intercontinental ; ou bien 14 ou 15 équipes européennes et 7 ou 6 équipes d’Amérique du Sud, si les équipes européennes et sud-américaines gagnent un maximum de matchs lors du barrage.

Garantir une représentation minimale à toutes les confédérations

Les 22 places directement qualificatives continueraient à garantir une représentation minimale à toutes les confédérations en phase de groupes. La répartition finale par continent des 32 places de la phase de groupes ne se déciderait plus derrière une porte close, mais sur le terrain lors du challenge intercontinental. Etant donné que les 10 matchs du challenge intercontinental représenteraient les 10 affrontements intercontinentaux possibles, il serait impossible que 2 continents remportent tous leurs matchs de barrage, ou que 2 continents perdent tous leurs matchs de barrage. Le barrage Europe-Amérique du Sud n’aurait qu’un vainqueur, donc Europe et Amérique du Sud ne pourraient pas obtenir conjointement plus de 21 des 32 places en phase de groupes. De la même façon, le barrage Asie-Concacaf n’aurait qu’un perdant, si bien qu’Asie et Concacaf auraient conjointement un minimum de 5 représentants en phase de groupes.

Les 10 matchs supplémentaires n’allongeraient le tournoi que de quatre jours. Pour garantir que toutes les équipes jouent au minimum 2 matchs dans le tournoi, et donc que les équipes et leurs supporters ne se déplacent pas juste pour un seul match, le challenge intercontinental pourrait se jouer par matchs aller-retour. Cela aurait aussi l’avantage de réduire la part du hasard dans les résultats des barrages. Le tournoi durerait alors huit jours de plus qu’aujourd’hui. Le tableau du challenge intercontinental serait tiré au sort. Un système de têtes de série pourrait éventuellement être mis en place : en classant les 4 représentants de chaque continent de 1 à 4 (du plus fort au moins fort), on pourrait aisément s’assurer que le tirage au sort ne produit que des affrontements intercontinentaux du type 1-4 et 2-3.

Pour illustrer ma proposition, voyons à quoi aurait ressemblé la Coupe du monde 2014 au Brésil dans ce format à 42 équipes. D’après les résultats des phases qualificatives jouées entre 2011 et 2013, les 22 places directement qualificatives pour la phase de groupes seraient revenues à l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas, la Russie et la Suisse pour l’Europe ; l’Argentine, le Chili et la Colombie pour l’Amérique du Sud ; l’Algérie, la Côte d’Ivoire et le Ghana pour l’Afrique ; l’Iran et le Japon pour l’Asie ; le Costa Rica et les Etats-Unis pour la Concacaf ; et le Brésil en tant que pays hôte. (J’ai utilisé le classement FIFA de novembre 2013 pour départager les 5 pays africains qui se sont qualifiés pour le Mondial 2014.) Les 20 pays qualifiés pour le challenge intercontinental auraient été les suivants :

  • le Cameroun, l’Egypte, le Nigeria et la Tunisie, représentant l’Afrique,
  • l’Australie, la Corée du Sud, la Jordanie et la Nouvelle-Zélande, représentant l’Asie et l’Océanie,
  • le Honduras, la Jamaïque, le Mexique et le Panama, représentant la Concacaf,
  • la Croatie, le Portugal, la Suède et l’Ukraine, représentant l’Europe,
  • l’Equateur, le Pérou, l’Uruguay et le Venezuela, représentant l’Amérique du Sud.

Un tirage au sort avec des têtes de séries aurait alors pu donner le challenge intercontinental suivant : Nigeria-Jordanie, Cameroun-Panama, Tunisie-Uruguay, Egypte-Portugal, Corée du Sud-Jamaïque, Australie-Venezuela, Nouvelle-Zélande - Croatie, Honduras-Pérou, Mexique-Ukraine et Equateur-Suède. Un tirage au sort sans tête de série aurait pu donner lieu à des affiches comme Uruguay-Portugal ou Mexique-Croatie.

Un coût économique et écologique

Ce format à 42 équipes aura, certes, un coût économique et écologique important, mais moindre que le format à 48 équipes. Il est intéressant pour la FIFA puisqu’il garantit plus de pays qualifiés, plus de matchs et plus de revenus, et qu’il offre un moyen juste, transparent et méritocratique de régler le problème du nombre de places allouées à chaque continent. Il est aussi intéressant pour les amateurs de football, qui pourront s’enthousiasmer dès le début de la compétition avec l’introduction des matchs à élimination directe du challenge intercontinental, puis apprécier une phase de groupe probablement un peu plus équilibrée et un peu plus relevée qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Enfin, il est aussi intéressant pour les différentes confédérations, qui peuvent prouver sur le terrain qu’elles méritent plus de places. Finalement, je pense que ce format serait plus juste et plus équilibré, et rendrait la Coupe du monde encore plus belle et universelle. Je forme le vœu qu’il puisse être discuté et débattu dans les semaines qui viennent et lors de la prochaine réunion du conseil de la FIFA qui va décider du nouveau format du plus grand événement sportif du monde.