Le Googleplex de Menlo Park, en Californie. | JOSH EDELSON / AFP

La gare de King’s Cross, au nord de Londres, est célèbre mondialement pour son quai numéro 93/4, celui utilisé par Harry Potter et ses amis pour basculer dans le monde magique des apprentis sorciers. En 2020, de l’autre côté du mur gauche de la gare, on passera aussi dans un univers parallèle, celui du sorcier Google. La société californienne va y construire un bâtiment résolument design de dix étages et 60 400 m2. Il devrait abriter près de 7 000 employés, soit 3 000 de plus qu’aujourd’hui. De loin la plus importante implantation européenne du géant américain.

Le maire de Londres, Sadiq Khan, et le ministre de l’économie, Philip Hammond, ont accueilli la nouvelle avec enthousiasme, comme la preuve que le Brexit ne faisait plus peur aux entreprises étrangères.

Il faut dire que le pays n’a pas ménagé sa peine pour retenir le plus célèbre porte-drapeau de l’Internet mondial. Alors que Bruxelles bataille toujours pour brider les pouvoirs anticoncurrentiels du magicien de Mountain View, Londres s’est attiré ses bonnes grâces en concluant un accord fiscal mettant fin aux poursuites intentées par le fisc britannique. Pour solde de tout compte, l’Américain a versé 130 millions de livres, quand, en France, on chiffre au-delà du milliard le manque à gagner dû aux acrobaties comptables de Google. Rappelons que ce dernier avait jusqu’à présent justifié la modestie de ses impôts britanniques par le fait qu’il n’y disposait pas « d’établissement stable ». Avec le monument qu’il va construire à King’s Cross sur ses propres deniers, il pourra difficilement arguer qu’il est normal que les revenus engrangés en Grande Bretagne soient transférés directement en Irlande, siège de sa régie publicitaire.

Investissements accrus

Google semble donc se moquer du Brexit et de ses conséquences. Et de fait, la seule chose qui semble inquiéter les patrons de Google est la possibilité de faire travailler des étrangers à Londres. Nul doute que la première ministre Theresa May sera sensible à ces arguments.

Car cet épisode vient rappeler un phénomène que l’on tend à minimiser de ce côté de la Manche : Brexit ou pas, la technologie aime Londres. Et pas seulement Google. Selon les derniers chiffres du cabinet de conseil EY, les investissements dans les start-up dans la capitale londonienne se sont encore accrus cette année, atteignant 1,3 milliard d’euros au premier semestre 2016, contre 1 milliard à Stockholm et 673 millions à Paris, soit deux fois moins.

La capitale française a un sacré handicap à remonter, et elle n’en prend pas le chemin si l’on en juge par le détricotage en cours de la loi Macron à l’Assemblée nationale pour rogner les avantages fiscaux accordés aux créateurs de start-up et aux investisseurs. On cherche encore sur les quais de la gare du Nord, le passage magique vers le paradis de la French Tech.

Le Brexit va-t-il mettre fin à trente ans de domination de la City ?