Wang Deshun, dans la force de l’âge. | CHINAFOTOPRESS/MAXPPP

C’est un vieil homme atteint de démence sénile, qui ne se souvient de rien, si ce n’est du nom de sa femme. Dans The Song of Cotton, l’acteur Wang Deshun prête sa crinière blanche et sa barbiche à une tragi-comédie sur le dernier âge de la vie. Il joue un homme amoindri, assisté dans sa toilette par une garde-malade, qu’il prend pour son épouse. Le film, sorti cette année en Chine, est un contre-emploi pour cet acteur hyperactif, symbole d’une insolente jeunesse qui perdure au-delà de 80 ans – il les a célébrés en septembre, lors d’une fête très médiatisée.

Avec ses jeans et ses chemises échancrées, Wang Deshun excelle à bousculer les stéréotypes d’une Chine peu habituée à voir ses anciennes générations faire autre chose que du tai-chi-chuan dans les parcs. Sportif, il exhibe sans complexe son corps, danse, pousse la chansonnette, se prépare à faire un jour du parachute. Sur Weibo, le Twitter chinois, où 280 000 abonnés le suivent, Wang Deshun tient la chronique de cette routine mouvementée, aux facettes multiples, qui bluffe les jeunes générations. « On t’adore, tu es le meilleur », lui écrivent admiratrices et admirateurs.

Une notoriété gagnée sur le tard

Il ne leur épargne pas les moments où il fait son âge, comme lorsqu’il se montre en aïeul attentionné avec sa petite-fille, ou en toute simplicité lors de l’anniversaire de ses 48 ans de mariage. Le Sino-Américain Lee Kai Fu, l’un des plus célèbres entrepreneurs du Net chinois, a fait de cet élève du théâtre révolutionnaire (il fit ses classes à l’armée dans les années 1960), devenu mime itinérant à 49 ans, l’illustration vivante de sa devise. « Rien n’est jamais trop tard. Il faut juste s’en donner les moyens », écrit-il ainsi à son sujet sur Twitter l’été dernier.

Wang Deshun est devenu célèbre au cinéma dans les années 2000, souvent dans le rôle d’un vieux maître d’arts martiaux ou d’un chef de clan machiavélique. Il a notamment interprété en 2014 un ermite silencieux dans Seven Days, film d’auteur du jeune réalisateur Xing Jian sur le Changbai, montagne mythique entre Chine et Corée du Nord.

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Wang Deshun doit son regain de notoriété à son apparition incongrue dans un défilé de mode lors de la Beijing Fashion Week de 2015. Torse nu, exhibant un physique exceptionnel, il effectua avec une maîtrise et une énergie peu communes son aller-retour sur le podium parmi des mannequins couverts de la tête au pied. Cette participation flamboyante au défilé du styliste chinois Hu Sheguang fit le buzz. Wang Deshun a expliqué que cette collaboration était le fruit du hasard : le styliste avait vu une photo de l’acteur sur le portable de sa fille, qui se trouvait être la compositrice de la musique du spectacle. La directrice de collection reconnut aussitôt son ancien professeur de défilé d’il y a trente ans. À l’époque, Wang Deshun entraînait des mannequins chinois appelés à apparaître lors d’une des premières foires du textile du pays… La directrice l’invita tout de go à participer à son défilé. « Mais bien sûr, avait-il répondu. Après tout, cela a toujours été ma spécialité. »

Issu d’une famille de neuf enfants, rescapé de deux ans de camps de rééducation lors de la Révolution culturelle, Wang Deshun a toujours eu de la ressource. Au début des années 1990, à plus de 50 ans, il avait mis en scène un étrange spectacle, pour soirées privées ou événements marketing, où il se mouvait, au son d’une chorale, tel un danseur japonais de butô, le visage et les habits recouverts d’une peinture de bronze, autour de statues de femmes nues.

Deshun Wang résume sa vie en 1’50’’

Be the fiercest - Deshun Wang 最帥大爺 - 王德順
Durée : 01:50