L’écrivain et chanteur franco-rwandais Gaël Faye à Paris, le 13 septembre. | JOEL SAGET / AFP

Le Goncourt des lycéens, prix conjointement organisé par la Fnac et le ministère de l’éducation nationale, a été attribué à Gaël Faye pour Petit Pays (Grasset). Le choix du primoromancier vient appuyer un beau succès public (troisième place des ventes « littérature » des libraires du réseau Datalib depuis plusieurs semaines) et un accueil critique enthousiaste, soutenu depuis bien avant l’été par un plan média très organisé et porté par la personnalité attachante de l’auteur.

Cette insistance à s’imposer est sans doute le principal (mais véniel) défaut de Petit Pays, que relevait l’écrivain Jean Hatzfeld dans sa recension pour Le Monde des Livres, en disant qu’il était « parfois naïvement surécrit (ou surédité pour le succès) ». Faye a été de presque toutes les sélections de prix, a obtenu celui du roman Fnac 2016 et a été finaliste du prix Goncourt.

Un livre nostalgique sur l’exil

A première vue, l’argument de Petit pays paraît propre à faire pleurer dans les chaumières : une enfance au Burundi, au moment de la guerre civile de 1993 qui va voir se déchirer hutus et tutsis. L’auteur étant né dans ce pays, d’une mère rwandaise et d’un père français, et y ayant vécu jusqu’à l’âge de 13 ans, chassé par guerre, la « pipolisation » ainsi qu’une chanson et un clip vidéo éponymes sortis en 2013 ont propulsé le roman, même si le jeune auteur-compositeur s’est défendu d’avoir raconté sa propre histoire à travers le personnage de Gabriel, le héros. Son album de 2013, Pili pili sur un croissant au beurre (Motown France), était en revanche ouvertement autobiographique. Mais Petit pays n’est pas le mélodrame qu’il pourrait être : c’est plutôt un livre nostalgique sur l’exil hors de l’enfance et de son « petit pays », avec à l’horizon un retour obsédant et impossible que le narrateur, devenu adulte, « repousse, indéfiniment, toujours plus loin ».

Petit pays est pourtant aussi un livre joyeux, vu à hauteur d’enfant. Ils sont une bande de cinq mini-délinquants qui s’amusent dans une impasse, dans le déni des événements burundais, ou ne sachant tout simplement pas trop ce qu’ils pensent, entre horreur et émerveillements. Gabriel, le narrateur, a comme Gaël Faye une mère rwandaise et un père français venu chercher la belle vie en Afrique. Il observe, questionne, rapporte, faisant partager au lecteur les détails politiques du quotidien tel que l’« abacost, sorte de veston à manches courtes, en tissu sombre et léger, sans chemise ni cravate, que Mobutu avait imposé aux Zaïrois pour s’affranchir de la mode coloniale ».

On croise « Godefroy et Balthazar, les fameux cousins trancheurs de zizis » ou le père du pote Gino, qui « se brossait les poils des avant-bras dans un sens précis ». En lisière de cette innocence, une correspondante française et son « monde mystérieux » ou Mme Economopoulos, dont la bibliothèque devient vite le refuge du narrateur tandis que le pays bascule dans la guerre. Des livres lus qui donneront au héros l’envie d’écrire, clôturant ainsi parfaitement le récit, comme si le roman que s’apprête à écrire « Gaby » à la fin du livre était précisément celui dont nous venons d’achever la lecture.