Des soldats de la force d’autodéfense japonaise et des militaires américains écoutent un discours prononcé par le président américain Barack Obama lors de ses visites à la base aérienne du corps des marines d’Iwakuni, en route vers Hiroshima, au Japon, en mai. | © Carlos Barria / Reuters / REUTERS

C’est sur fond d’inquiétudes sur l’avenir de l’alliance de défense bilatérale américano-japonaise que Donald Trump devait rencontrer, jeudi 17 novembre à New York, le premier ministre japonais, Shinzo Abe. Au cours de sa campagne, le 45e président des Etats-Unis, qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain, a critiqué vigoureusement l’alliance américano-japonaise, et les alliances des Etats-Unis en général.

« Nous avons un traité avec le Japon qui dicte que si le Japon est attaqué, nous devons utiliser toute la force et la puissance des Etats-Unis, a dit le candidat républicain à ses partisans lors d’une réunion publique à Des Moines, dans l’Iowa. Mais si nous sommes attaqués, les Japonais n’ont rien à faire. Ils peuvent rester chez eux à regarder leurs télévisions Sony. »

« Ils doivent payer »

Pour Donald Trump, les alliés ne versent pas de contributions financières suffisantes en échange des garanties de dissuasion fournies par les Etats-Unis. « Ils doivent payer, car nous sommes à une autre époque qu’il y a quarante ans », a-t-il déclaré. « Il faut toujours être prêt à claquer la porte [des alliances]. Je ne pense pas que ce sera nécessaire, mais on ne sait jamais ! » avait-il aussi averti au cours de la campagne présidentielle. Les Japonais « doivent se protéger ou doivent nous payer » a encore ajouté le milliardaire, lors d’une interview à CNN le 29 mars.

Au regard des accords de sécurité conclus dans les années 1950 et 1960 et du traité de sécurité bilatéral de 1960, les Etats-Unis assurent une présence massive pour défendre leur allié japonais : environ 54 000 soldats américains sont stationnés au Japon, dont une grande partie sur l’île d’Okinawa, dans le sud. La VIIe flotte américaine du Pacifique a son quartier général à la base navale de Yokosuka.

En 2016, les Etats-Unis ont prévu un budget de 5,5 milliards de dollars (5,1 milliards d’euros) pour financer leur présence militaire au Japon. Selon Garren Mulloy, professeur de relations internationales à l’université Daito Bunka au Japon cité par Quartz, Tokyo verse directement au gouvernement américain 1,8 milliard de dollars pour son soutien à la défense. Une somme que M. Trump pourrait juger insuffisante.

Mais en prenant en compte les paiements indirects que le Japon fait aux militaires américains, le budget réel pris en charge par Tokyo serait toutefois plus proche de 3,7 milliards de dollars. Parmi ces frais indirects figurent les loyers des terrains occupés par l’armée américaine ou les salaires gagnés par les travailleurs locaux employés sur ses bases. Le Japon s’est également engagé à payer une partie du projet de l’armée américaine de déplacer une base d’Okinawa à Guam, à plus de 1 000 kilomètres à l’est.

75 % de la facture

Selon une estimation publiée dans le quotidien japonais Mainichi, en incluant tous les paiements indirects, Tokyo paierait environ 75 % de la facture pour la présence américaine dans le pays, un niveau plus élevé que tout autre allié avec un accord de sécurité semblable. Ainsi, la Corée du Sud ne paie que 40 % des frais américains, l’Italie 40 % et l’Allemagne 30 %. Le Japon fait depuis les années 1970 des efforts pour atténuer les critiques selon lesquelles il se comporterait en free rider (« passager clandestin »), bénéficiant de l’alliance sans en partager les coûts.

Le Japon dépense davantage pour sa défense depuis l’arrivée au pouvoir de Shinzo Abe en décembre 2012. Fin août, le ministère de la défense japonais a demandé que son budget soit porté à un niveau record, pour faire face à la menace croissante des tirs de missiles balistiques nord-coréens et à la montée en puissance de Pékin sur le plan militaire ainsi qu’aux revendications chinoises en mer de Chine méridionale. Si elle est approuvée, la hausse de 2,3 % demandée portera l’enveloppe de la défense à 5 700 milliards de yens (48,7 milliards d’euros) pour l’année budgétaire débutant le 1er avril 2017 : cela constituerait la cinquième année consécutive d’augmentation depuis que M. Abe a entrepris de doper ce poste budgétaire.

Selon un collaborateur de Donald Trump cité par l’agence Reuters, la rencontre de New York « donnera le ton » des relations futures entre Washington et le Japon et le reste de l’Extrême-Orient. « Je pense que le message (…) sera extrêmement rassurant, explique-t-il. Je m’attends à ce qu’il réaffirme ses engagements envers les alliés et la promesse des Etats-Unis de rester à long terme dans le Pacifique. »