À l'entrée du site de la COP22, à Marrakech, le 7 novembre. | ARTHUR GAUTHIER/HANS LUCAS POUR LE MONDE

La photo de famille a de l’allure. Près de vingt ministres de nationalité différente ont posé côte à côte, jeudi 17 novembre, lors de la conférence sur le climat de Marrakech (COP22), pour sceller un partenariat inédit. Ils se sont engagés à publier la feuille de route des mesures qu’ils prévoient de prendre, secteur par secteur (industrie, énergie, transport, bâtiment, agriculture, etc.), afin de résoudre le problème des gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

Coordonnée par la négociatrice française, Laurence Tubiana, et la ministre marocaine chargée de l’environnement, Hakima El Haite, l’initiative fait suite à l’accord de Paris du 12 décembre 2015 qui invitait les Etats à trouver « un chemin vers de faibles émissions de gaz à effet de serre ». Six mois plus tard, la déclaration du G20 précisait que ces plans de décarbonation devaient intervenir « bien avant 2020 », pour identifier notamment les investissements nécessaires à cette vaste réorientation de l’économie mondiale.

Finalement, le mouvement aura été plus rapide. Le rendez-vous de Marrakech permet de recenserdéjà 22 pays dont les Etats-Unis, le Canada, le Brésil, le Japon, la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, mais également 15 grandes villes, 17 régions et 196 entreprises, cette « plate-forme des stratégies 2050 » étant ouverte aux acteurs non étatiques.

« Les Etats ont pris des engagements avant la COP21, mais ils l’ont fait de manière un peu isolée, a expliqué Laurence Tubiana. Nous voulons que, grâce aux échanges avec les entreprises sur la disponibilité des technologies et l’évolution de leurs coûts, ils comprennent qu’ils peuvent être plus ambitieux. » Les contributions nationales pour 2025-2030 ne suffisant pas à atteindre l’objectif de l’accord de Paris – contenir le réchauffement planétaire sous le seuil des 2 °C –, a convenu jeudi l’envoyé spécial des Etats-Unis pour le changement climatique, Jonathan Pershing.

L’Allemagne plus rapide

La veille, la Maison Blanche avait publié un plan de décarbonation fondé sur une réduction des émissions américaines de 80 % en 2050 (par rapport à 2005), faisant des Etats-Unis l’un des premiers pays à proposer un document de référence, avec ses voisins du Canada et du Mexique. « Cette démarche fait sens, les synergies sont nombreuses entre ces trois économies », analyse Will Gartshore, du WWF.

L’Allemagne a été plus rapide encore, dévoilant ses intentions dès lundi 14 novembre. Le plan rappelle l’objectif de baisser de 80 % à 95 % les émissions allemandes d’ici à 2050 (par rapport à 1990), enjoint l’Union européenne de réviser à la hausse ses ambitions climatiques et engage une réflexion sur les conséquences économiques et sociales d’un abandon de l’activité charbonnière.

Premier orateur invité à s’exprimer lors de l’annonce de la plate-forme des stratégies 2050, le secrétaire d’Etat allemand à l’environnement, Jochen Flasbarth, n’a pas caché les difficultés de cet exercice programmatique qui a nécessité « quatre versions de travail ». Le plan, présenté juste avant Marrakech par la ministre sociale-démocrate de l’environnement, Barbara Hendricks, est l’aboutissement d’interminables tractations. Notamment à cause de la pression exercée par le vice-chancelier et ministre de l’économie, Sigmar Gabriel, qui, bien qu’appartenant au même parti, a obtenu que l’industrie fasse moins d’efforts en matière de réduction des émissions de CO2.

M. Gabriel a pesé aussi dans la discussion sur le charbon. Le document planifie une réduction de deux tiers de la consommation de charbon d’ici à 2030 mais reste silencieux sur la période qui suit.