Décollage réussi pour le spationaute Thomas Pesquet
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Sur l’air de « Trava ou Doma » (l’herbe de la maison), une chanson populaire russe des années 1960 qui accompagne les cosmonautes sur le départ, Thomas Pesquet, 38 ans, et ses coéquipiers, le russe Oleg Novitsky, 45 ans, et l’Américaine Peggy Whitson, 56 ans, ont embarqué dans le bus pour se rendre dans une salle spéciale revêtir leurs combinaisons. Moins de 6 heures plus tard, à 2 h 20 précises, vendredi 18 novembre, heure locale (21 h 20 jeudi heure de Paris) l’équipage du Soyouz MS-03 s’est élancé dans le ciel, depuis la base de Baïkonour, au Kazakshtan. Neuf minutes plus tard, le vaisseau spatial, avec à son bord les trois astronautes partis pour six mois sur la Station spatiale internationale (ISS), était en orbite. Une trajectoire sans faute, saluée par des cris de joie et des applaudissements.

Emues, les familles se sont étreintes. Proches et journalistes ont pu assister au décollage de la fusée, partie dans un vrombissement assourdissant et une lueur aveuglante, sur le cosmodrome, à 1,2 kilomètre du pas de tir. Le spectacle, dans une nuit parfaitement claire, a sublimé le froid mordant, - 17 °C, qui a saisi cette foule rassemblée dans la steppe kazakhe. « C’est un très bon jour pour la France », s’est félicité Jean-Yves Le Gall, président du Centre national d’études spatiales (CNES), en citant aussi le lancement réussi, quelques heures plus tôt, d’Ariane 5 qui a emporté cinq satellites pour Galileo depuis la base de Kourou, en Guyane. Venu également à Baïkonour assister au départ de Thomas Pesquet, Thierry Mandon, secrétaire d’État à la recherche et à l’enseignement supérieur, montrait autour de lui, ravi, les photos prises sur son téléphone portable.

Aucun vol spatial habité n’avait plus transporté de Français depuis 8 ans. « Cela faisait longtemps, c’est vrai, mais le prochain sera peut-être dans quatre ans », commentait Jean-Yves Le Gall, ajoutant, « Thomas est jeune, il repartira, il a tellement de talent… ». Benjamin de l’équipe française des astronautes, Thomas Pesquet, est aujourd’hui le plus médiatique d’entre eux.

Une ombre au tableau

Quelques instants avant de s’installer dans la capsule, l’équipage du Soyouz MS-03 était une dernière fois apparu en public. Les derniers réglages de leurs combinaisons effectués, tous trois se sont assis derrière une vitre, face à une petite salle bondée. Par micro interposé, chacun s’est entretenu en même temps dans sa langue avec ses proches, créant un joyeux brouhaha. « Tout est bien fermé ? », a plaisanté Anne, la compagne de Thomas Pesquet, en désignant sa combinaison. « C’était bien, la chanson [du départ], non ? ».

L’astronaute français a plusieurs levé les pouces. « La France est avec vous », l’a félicité Thierry Mandon qui louait encore, quelques instants plus tôt, ses capacités de communicant devant la presse. « Je soutiens de la manière la plus nette qui soit la volonté d’un spationaute de faire partager au grand public cet univers, a-t-il déclaré. A ce niveau-là, c’est du jamais vu. Mais c’est un secteur qui nécessite un engagement public durable ».

L’envol du Français et le succès du départ de son vaisseau ne pouvaient pas mieux tomber alors que la France et la Russie célèbrent leurs 50 ans de coopération spatiale, symbolisée par la présence à Baïkonour, en juin 1966, de Charles de Gaulle, premier chef de l’État à se rendre sur place. Mais il y a une ombre au tableau. Cette coopération a été entachée par la récente lettre de protestation de Roscosmos : l’agence spatiale russe menace en effet de bloquer la livraison des lanceurs Soyouz à ses partenaires français d’Arianespace tant qu’elle n’aura pas récupéré les 300 millions d’euros gelés par la Cour d’arbitrage de la Haye dans l’affaire des anciens actionnaires de Ioukos, le groupe de l’ex-oligarque devenu opposant, Mikhaïl Khodorkovski. Vendredi, sitôt revenu de Baïkonour à Moscou, Thierry Mandon devrait s’entretenir avec le conseiller pour la science et la recherche de Vladimir Poutine, pour relancer la coopération entre les deux pays.