Un employé de l’usine Ford de Louisville en train d’assembler un modèle Ford Escape, en 2012. | ? John Sommers II / Reuters / REUTERS

Les emplois les plus faciles à sauver de la délocalisation sont certainement ceux qui ne sont pas menacés. Cette lapalissade peut s’appliquer à Donald Trump qui, jeudi 17 novembre, s’était attribué le mérite d’avoir convaincu Ford de ne pas transférer sa production du Kentucky vers le Mexique. Mais vendredi, le constructeur américain a déclaré n’avoir jamais eu l’intention de fermer le site en question, situé à Louisville, ni y supprimer le moindre emploi.

Tout est parti d’un tweet du président-élu, qui était impatient de faire part d’une première victoire depuis son élection face à la mondialisation. « J’ai travaillé dur avec Bill Ford pour garder l’usine Lincoln dans le Kentucky. Je le devais au grand Etat du Kentucky qui m’a fait confiance [en votant pour moi] », écrit M. Trump.

En réalité, il était difficile de fermer cette usine sous prétexte d’en délocaliser la production vers le Mexique pour la bonne et simple raison que le deuxième constructeur américain a signé un accord salarial en 2015 avec le syndicat de l’automobile, l’UAW, dont l’une des contreparties est justement de maintenir l’activité de ce site.

Une réflexion était bien en cours pour transférer l’assemblage d’un petit 4X4 urbain, le Lincoln MKC, sur le site de Cuautilan au Mexique. Mais finalement, Ford a décidé de ne pas changer son dispositif et ce bien avant le coup de téléphone de M. Trump au président du groupe, Bill Ford.

Le MKC ne représente en fait que 10 % de la production de l’usine de Louisville, qui produit essentiellement un autre modèle, le Ford Escape, qui suffit à faire tourner ce site de 4 500 personnes à plein régime. Sur les dix premiers mois de l’année, 300 000 Ford Escape sont sortis des lignes d’assemblage contre 37 000 Lincoln MKC.

Des politiques pour la compétitivité des États-Unis attendues

Dans un communiqué, la direction de Ford a souligné que la conversation entre les deux hommes n’avait pas influencé les décisions industrielles prises, tout en ajoutant : « Nous espérons que le président élu Trump et le nouveau Congrès vont mettre en place des politiques destinées à améliorer la compétitivité des Etats-Unis de sorte qu’il soit possible de conserver la production de véhicules ici aux Etats-Unis. »

La veille, lors d’une conférence téléphonique, le directeur financier de Ford, Robert Shanks avait déjà fait une déclaration dans ce sens en disant espérer que la politique de M. Trump « offrirait un environnement dans lequel il serait économiquement censé de rapatrier les emplois industriels ici [aux Etats-Unis] ». Puis il avait ironisé sur le fait que la façon dont le président-élu gouvernera sera sans doute « légèrement différente » de la rhétorique utilisée pendant sa campagne électorale.

M. Trump a en effet promis d’instaurer une taxe de 35 % sur les produits importés du Mexique vers les Etats-Unis et de renégocier l’accord de libre-échange nord-américain (Alena) signé par les deux pays et le Canada en 1994. Depuis des mois, Ford est devenu la cible favorite du milliardaire dans la mesure où le groupe a décidé de transférer la production de ses petits véhicules à faible marge au Mexique, tout en gardant les gros 4X4 et pick-ups, plus rentables, aux Etats-Unis.

Une stratégie que, pour le moment, Ford n’a aucunement l’intention de remettre en question, élection de Donald Trump ou pas. La morale de l’histoire, le nouveau président peut la trouver dans Le Cid de Corneille : « A vaincre sans péril on triomphe sans gloire. »