Bureau de vote du centre social Vaclav-Havel à Béziers. | Sandra Mehl pour "Le Monde"

La prime à l’expérience. Marc le reconnaît avec une pointe d’humour, il « n’aime pas les têtes nouvelles ». Ce commerçant de 62 ans, Biterrois de naissance, tout comme sa femme, Chantal, est venu voter, dimanche 20 novembre, en faveur de Nicolas Sarkozy au premier tour de la primaire de la droite. « Il a tenu la barre quand la situation était difficile », souligne-t-il en sortant du centre social Vaclav-Havel, où est installé l’un des cinq bureaux de vote de la sous-préfecture de l’Hérault.

Le sexagénaire, grand-père de huit petits-enfants, en « a marre » et veut profiter du scrutin organisé par le parti Les Républicains pour faire entendre sa voix. « Mes fils enchaînent CDD sur CDD », souffle-t-il. Son épouse embraye : « Nos enfants sont mariés, ils n’ont qu’une femme et qu’une allocation, eux. Vous voyez ce que je veux dire… C’était bien Béziers avant. Maintenant, nous sommes les champions du RSA. »

Il convient donc de ne pas se tromper de candidat. Alain Juppé ? « Trop mou. » François Fillon ? « Il a eu l’occasion de faire, il n’a pas fait. » Pour Marc, c’est Nicolas Sarkozy ou… Marine Le Pen, la présidente du Front national. « S’il n’est pas désigné, je vote pour elle à la présidentielle, prévient-il. Mais je préférerais Sarkozy, c’est plus stable. »

Une ligne de droite assumée

Dans la ville dirigée par Robert Ménard, élu maire en 2014 avec le soutien du FN, les frontières entre droite et extrême droite ont parfois tendance à s’estomper. La majorité municipale regroupe des personnes qui se revendiquent de l’un ou l’autre de ces courants, et certains adjoints de l’édile se sont rendus aux urnes, ce dimanche. « Beaucoup d’entre eux sont allés voter pour Fillon, plutôt que pour Jean-Frédéric Poisson. Ils votent utile », reconnaît l’élu, qui n’a pas participé au scrutin.

Chez les électeurs lambda, le phénomène se traduit par la volonté de voir le candidat LR à la présidentielle porter une ligne de droite assumée. Ce qui revient, la plupart du temps, à choisir entre Nicolas Sarkozy et François Fillon. Le premier a axé sa campagne sur l’identité, tandis que le second s’est efforcé de parler à l’électorat catholique.

Dans le cas de Claude et Malika Houpert, c’est l’ancien premier ministre qui l’emporte. « Il est très sérieux, il a de l’allure, il défend les valeurs de la France », se réjouit Malika. « C’est un homme d’Etat, droit, intègre, pas un bluffeur, abonde Claude. Et puis, il y en a un qu’on ne veut plus voir : Sarkozy. Il a trop fait de cinéma. »

Ce couple de retraités – il a travaillé chez Pechiney, et elle comme institutrice en Algérie – diverge en revanche sur un point : la possibilité d’une alliance entre la droite et le FN. « Il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas Marine Le Pen, veut croire Malika. Elle défend les valeurs de la France, elle est patriote. » « Je ne suis pas d’accord. Elle n’a pas l’expérience pour diriger le pays », répond son mari.

Sur le parvis de l’hôtel de ville de Béziers, Félix Berger, 83 ans, attend quant à lui son tour. Le bureau de vote installé dans l’enceinte regroupe onze bureaux de vote « normaux ». La queue est tellement longue que certaines personnes doivent patienter plus d’une heure avant de pouvoir glisser leur bulletin dans l’urne. Mais l’octogénaire est prêt à faire ce sacrifice pour apporter son soutien à Nicolas Sarkozy. « Pour moi, il n’y a que lui. Les autres, ce sont des arrivistes. Juppé n’a rien promis. Sarko, lui, est allé droit au but, il a dit ce qu’il fera. Juppé n’a pas l’étoffe, à la rigueur je ferais plutôt confiance à Fillon. »

Dans l’esprit de Félix, la possibilité d’une coopération entre droite et extrême droite n’est, une fois encore, pas à écarter d’un revers de main. « Il faut que tout le monde s’unisse. Sarkozy et Marine Le Pen, pourquoi pas ? A condition qu’il n’y ait pas d’entourloupette. » En tout cas, l’hypothèse d’un second tour en mai 2017 entre la présidente du FN et Alain Juppé l’interpelle. « Je ne sais pas ce que je ferais, ça demande réflexion. » Il va déjà devoir trouver, en attendant, l’attitude à adopter pour le second tour de la primaire, dans une semaine.