La chancelière allemande Angela Merkel dimanche 20 novembre. | TOBIAS SCHWARZ / AFP

C’est la fin d’un suspense qui n’en était pas vraiment un. La chancelière allemande, Angela Merkel, briguera un quatrième mandat lors des élections législatives de septembre 2017. « J’y réfléchis depuis des lustres. La décision de briguer un quatrième mandat est tout sauf anodine, après onze ans aux affaires », a déclaré Mme Merkel, lors d’une conférence de presse organisée au siège de son parti, l’Union chrétienne-démocrate (CDU), à Berlin, dimanche 20 novembre. Elle a précisé que « la défense de nos valeurs » et de « notre mode de vie » serait au cœur de son programme, citant « la démocratie, la liberté, le respect du droit et de la dignité de chacun, et ce, quels que soient son origine, sa couleur de peau, sa religion, son sexe, son orientation sexuelle ou ses opinions politiques ». Les termes sont exactement ceux qu’elle avait employés, mercredi 9 novembre, après la victoire Donald Trump à l’élection présidentielle américaine.

Longueur d’avance

L’annonce de cette nouvelle candidature a lieu deux semaines avant le congrès de la CDU, qui se tiendra du 5 au 7 décembre à Essen (Rhénanie-du-Nord - Westphalie) et lors duquel elle entend briguer un nouveau mandat de deux ans à la tête du parti, dont elle est la présidente depuis 2000. Elle intervient également alors que les sondages publiés depuis un mois lui sont plus favorables, après une année marquée par une baisse de sa cote de popularité et plusieurs revers électoraux de la CDU aux élections régionales. Des difficultés largement dues à sa politique à l’égard des réfugiés, jugée trop généreuse par une large partie de l’électorat conservateur.

Selon une enquête de l’Institut Emnid, publiée dimanche dans le quotidien Bild, 55 % des Allemands souhaitent que Mme Merkel reste chancelière. Au mois d’août, ils étaient 42 %. Parmi les sympathisants de la CDU, 90 % souhaitent qu’elle effectue un quatrième mandat, selon le sondage paru dimanche.

A dix mois des prochaines législatives, Mme Merkel aborde cette nouvelle bataille électorale dans une position a priori plutôt confortable. Pour l’heure, le Parti social-démocrate (SPD), qui participe depuis 2013 à la « grande coalition » au pouvoir à Berlin, est donné loin derrière dans les intentions de vote : si l’élection avait lieu aujourd’hui, le SPD obtiendrait 24 % des voix, soit 9 points de moins que la CDU, selon les dernières enquêtes d’opinion.

La chancelière a admis que la campagne de 2017 serait « plus difficile que toutes celles qui ont eu lieu depuis la réunification allemande », en 1990

En annonçant aujourd’hui sa candidature, Mme Merkel prend une longueur d’avance sur le SPD, qui n’a toujours pas désigné son candidat pour 2017. Si le président du parti, Sigmar Gabriel, qui est aussi vice-chancelier et ministre de l’économie de Mme Merkel, ne cache pas son souhait d’être candidat, il pourrait être défié en interne par Martin Schulz, le président du Parlement européen, dont le mandat prendra fin en janvier 2017. Cité depuis quelques jours comme possible successeur de Frank-Walter Steinmeier au ministère des affaires étrangères, ce dernier ayant toutes les chances d’être élu président de la République en février 2017, M. Schulz bénéficie de solides soutiens au sein du SPD, notamment auprès de l’aile gauche, volontiers critique à l’égard de M. Gabriel.

Cette position de favorite qui est la sienne aujourd’hui ne veut pas dire, cependant, que la campagne à venir sera de tout repos pour Mme Merkel. Elle l’a elle-même reconnu, dimanche, admettant que la campagne de 2017 serait « plus difficile que toutes celles qui ont eu lieu depuis la réunification allemande », en 1990. D’abord parce que l’aile droite de sa majorité – représentée notamment par l’Union chrétienne-sociale (CSU), le parti conservateur bavarois – continue de lui reprocher sa politique à l’égard des réfugiés. Même si son soutien à la candidature de Mme Merkel ne fait guère de doute, la CSU réclame ainsi la mise en place un « plafond » limitant à 200 000 le nombre de réfugiés susceptibles d’être accueillis chaque année en Allemagne. Jusque-là, la chancelière s’y est toujours refusée.

Usure du pouvoir

Se posera aussi la question de l’usure du pouvoir. A l’issue de son mandat actuel, Mme Merkel aura gouverné pendant douze ans. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, seuls deux de ses prédécesseurs, tous deux également membres de la CDU, sont restés en poste plus longtemps : Konrad Adenauer, pendant quatorze ans, de 1949 à 1963, et Helmut Kohl, durant seize ans, de 1982 à 1998.

Cette longévité, les partisans de Mme Merkel comptent au contraire en faire un atout. Dès l’annonce de sa candidature, plusieurs dirigeants conservateurs ont d’ailleurs commencé à utiliser l’argument, en affirmant que son « expérience » est une garantie de « stabilité » dans un monde chaotique. Elle-même y a fait allusion, dimanche, en évoquant le « contexte très difficile et incertain » dans lequel se déroulera la campagne électorale, et en citant, comme exemple, le Brexit, la crise des réfugiés et la guerre en Syrie.

Reste à savoir si la promesse d’incarner la continuité peut suffire. En 2013, déjà, Mme Merkel avait fait largement campagne sur ce thème. Or, depuis, quatre ans sont passés. Quatre ans marqués notamment par l’apparition, outre-Rhin, du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne. Un parti crédité de 13 % des voix aux prochaines élections législatives et qui a fait du rejet de la classe dirigeante l’un de ses leitmotivs, comme l’illustre son slogan « Merkel muss weg » (« Merkel doit partir »). Un parti qui, trois ans après sa création, est déjà présent dans dix Parlements régionaux sur seize et qui a même, pour la première fois, devancé la CDU aux élections organisées, en septembre, en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. Le propre fief électoral de Mme Merkel.

Angela Merkel officialise sa candidature à un quatrième mandat de chancelière
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