Le Nigeria, entré en récession au deuxième trimestre, s’enfonce dans la crise économique avec une contraction de son produit intérieur brut (PIB) de 2,24 % sur un an au troisième trimestre, selon les chiffres du Bureau National des Statistiques (BNS) publiés lundi 21 novembre. Le Fonds monétaire international a prévu une contraction du PIB de 1,7 % pour le Nigeria pour 2016, une année noire de recul : la première depuis vingt ans selon l’agence Bloomberg.

Géant du continent africain, le Nigeria souffre notamment de la chute du prix du baril et d’attaques récurrentes de ses installations pétrolières par des groupes rebelles, entraînant une perte de revenus pour l’Etat, une forte inflation (+18 %) et une pénurie de devises étrangères.

Pénurie de devises étrangères

Avec une production de pétrole passée de 2,17 millions de barils par jour en 2015 à 1,63 million de barils aujourd’hui, le « secteur pétrolier a ralenti de 22 % par rapport à l’année dernière », note le rapport du BNS. Le Nigeria a perdu sa place de premier exportateur de l’Afrique sub-saharienne, au bénéfice de l’Angola.

Le pétrole compte pour 70 % des revenus de l’Etat et 90 % des revenus d’exportations en devises étrangères, et le pays n’a jamais diversifié son économie depuis la découverte de l’or noir dans les années 1960.

Le ralentissement des exportations a entraîné une lourde pénurie de devises étrangères, handicapant l’économie du pays : les plus pauvres souffrent d’une forte augmentation des prix de biens de consommation de base, et la classe moyenne et supérieure ne trouve plus de dollars pour voyager à l’étranger.

Le secteur industriel (-2,9 % selon le rapport) a été frappé de plein fouet par la dévaluation du naira et à cause de cette même pénurie, les grands acteurs économiques ne parviennent pas à importer leurs matières premières, payables en dollars. Ce ralentissement du secteur industriel est « en partie dû à la chute du taux de change, qui rend les importations plus coûteuses », note l’agence nationale.

Pas de signe d’amélioration

Le président Muhammadu Buhari a longtemps refusé de laisser flotter la monnaie, pour empêcher une forte hausse des prix, mais cela a contribué à développer un circuit de change au marché noir.

Aujourd’hui, malgré la dévaluation de juin, les cours officiels (320 nairas pour 1 dollar) n’arrivent pas à rejoindre les cours du marché noir (440 nairas pour un dollar), encourageant une économie à deux vitesses.

Aucun signe d’amélioration n’est perceptible, les groupes rebelles indépendantistes du Delta ont promis de mettre l’économie du pays « à genoux » tant que leurs revendications ne sont pas entendues. Malgré des pourparlers avec le gouvernement, les Vengeurs du Delta, le plus actif de ces groupes, ont fait exploser un oléoduc opéré par Agip la semaine dernière, qui fait transiter à lui seul 300 000 barils par jour.

« Des réformes sont nécessaires pour sauver l’économie, et jusqu’à présent, elles ont été évasives », a expliqué Razia Khan, économiste à la Standard Chartered Bank. Pour les économistes, il est trop tôt pour dire que le pire est passé. L’agence BMI Research avait annoncé un regain de la croissance grâce à la réouverture d’un terminal pétrolier, Forcados (215 000 barils par jour), annoncée pour le mois d’octobre. Mais de nouvelles attaques, notamment le 13 octobre sur l’un des oléoducs, et des menaces continuelles ont retardé sa réouverture.

« Avec une production de pétrole qui devrait également chuter au quatrième trimestre, il est trop tôt pour penser que le Nigeria est au plus bas », selon John Ashbourne, économiste pour Capital Economics, spécialisé sur l’Afrique. « Malgré les efforts du gouvernement pour encourager la production domestique – et donc, de moins dépendre de ses importations –, le secteur industriel a lui aussi été ralenti », note M. Ashbourne, qualifiant la politique financière du gouvernement Buhari d’« incohérente » et « menaçante » pour l’économie.