Des affiches électorales du candidat Jovenel Moïse du Parti haïtien Tèt Kale, à Port-au-Prince, le 16 novembre. | ANDRES MARTINEZ CASARES / REUTERS

La tension est montée en Haïti dans l’attente des résultats, au lendemain des élections présidentielle et législatives qui se sont déroulées dimanche 20 novembre dans le calme et sans incident majeur. Léopold Berlanger, le président du conseil électoral provisoire (CEP), a annoncé que les résultats seraient rendus publics dans un délai de huit jours après le scrutin. Selon la loi haïtienne, seul le CEP est habilité à publier les résultats.

Mais dès lundi, le Parti haïtien Tèt Kale (PHTK), fondé par l’ancien président Michel Martelly, a proclamé la victoire de son candidat, Jovenel Moïse. « Jovenel Moïse est le président élu d’Haïti, le pays le sait, le monde entier le sait, ce n’est pas un mystère », a affirmé Rudy Hérivaux, porte-parole du PHTK, lors d’une conférence de presse.

Cette annonce a provoqué la colère de plusieurs centaines de partisans de Maryse Narcisse, la candidate de Fanmi Lavalas, le parti de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide. Aux cris de « Maryse présidente » et « non au coup d’Etat électoral », ils se sont rassemblés devant l’église Saint-Jean Bosco où le père Aristide officiait dans les années 1980 avant de se diriger vers le siège de la présidence où la foule venue des quartiers les plus pauvres a été dispersée à coups de gaz lacrymogènes et de tirs en l’air.

Une abstention d’environ 78 %

Plusieurs des 27 candidats à la présidence, dont Jean-Henry Céant et le journaliste Clarens Renois, ont reconnu leurs défaites. Selon les observateurs nationaux et internationaux, les opérations de vote se sont déroulées dans des conditions satisfaisantes. Beaucoup mieux que le scrutin du 25 octobre 2015, qui avait été annulé à la suite du rapport d’une commission d’enquête faisant état de « fraudes massives ».

Epuisée par une crise qui n’a cessé de s’aggraver et découragée par un processus démocratique chaotique et sans résultats concrets, la population a largement boudé les urnes. Selon la coalition d’observation électorale, formée par six organisations de la société civile, la participation n’a été que de 21,69 %.

L’Observatoire citoyen pour l’institutionnalisation de la démocratie (OCID), un autre consortium de la société civile financé par l’agence de coopération des Etats-Unis (Usaid), a calculé un taux de participation de 23,3 %. Contrairement à ce qu’on pouvait craindre, la participation a été supérieure dans les régions du sud dévastées par l’ouragan Matthew, il y a un mois et demi. Selon l’OCID, elle y a atteint 25,9 % contre 22,5 % pour le reste du pays.

Dirigée par l’ancien sénateur uruguayen Raul Ferreira, la mission d’observation de l’Organisation des Etats américains, forte de 130 observateurs, a salué les améliorations apportées aux opérations de vote, mais s’est inquiétée du faible taux de participation.

Bénéficiant de l’appui de la plupart des riches familles de l’oligarchie haïtienne et du soutien discret d’entreprises de la République dominicaine voisine, Jovenel Moïse a disposé de moyens financiers beaucoup plus importants que ses compétiteurs. Selon l’OCID, le PHTK avait des représentants dans 71,6 % des bureaux de vote le jour du scrutin.

La Fanmi Lavalas était présente dans 54,4 % des bureaux, Pitit Dessalines, le parti de l’ancien sénateur Jean-Charles Moïse, dans 39,9 %, et LAPEH, du candidat Jude Célestin, dans 39,1 %. Le déséquilibre des moyens financiers au bénéfice du PHTK est également manifeste sur les panneaux d’affichage et dans la bataille qui fait rage notamment sur les réseaux sociaux.