Illustration: Mathilde Aubier

De bien curieux intitulés parsèment désormais les programmes de la plupart des écoles d’ingénieurs, aux côtés des traditionnelles matières scientifiques et techniques : « savoir-être », « compétences relationnelles », « ateliers de communication non verbale », et même « séances de clown-théâtre ».

« Contribuer à changer le monde »

Que se passe-t-il ? « L’ingénieur seul devant sa paillasse ou son écran d’ordinateur, c’est fini ! », résume Frédéric Huet, l’un des responsables de l’université de technologie de Compiègne. Les étudiants en ingénierie avaient déjà, depuis une trentaine d’années, des cours de gestion et de marketing afin de se familiariser avec les codes de l’entreprise. Ils sont maintenant aussi formés à l’éloquence, au leadership, à l’écoute des autres – multiculturels de surcroît –, à la dynamique de groupe, aux techniques de créativité, sans ignorer les multiples problématiques sociétales de l’heure.

« Dans un écosystème complexe, en évolution permanente, les compétences humaines sont devenues essentielles », constate Bruno Bisaro de l’ESIEA (Ecole supérieure d’informatique, d’électronique, et d’automatique) de Paris.

« D’un environnement professionnel et technique relativement stable, les ingénieurs sont passés à un écosystème complexe, en évolution permanente, dans lequel les compétences humaines sont devenues essentielles », constate Bruno Bisaro de l’ESIEA (Ecole supérieure d’informatique, d’électronique, et d’automatique) de Paris. A ses yeux, un ingénieur doit maintenant « savoir innover, créer, fédérer, transmettre et entreprendre ».

Lorsque les dirigeants de l’Ecole nationale supérieure en génie des systèmes et de l’innovation de Nancy ont, parmi les premiers, en 1993, choisi d’accorder une large place au développement personnel de leurs élèves, ils ont été vus comme fantaisistes, avant d’être imités. En partie sous la pression des employeurs qui, en ces temps disruptifs, sont en quête de têtes bien faites plutôt que bien pleines. « Au-delà du diplôme, nous recherchons des personnalités qui veulent contribuer à changer le monde ! », assure, dans ce dossier, Valérie Gaudart de chez Engie, ex-GDF Suez. Rien de moins !

L’autre tendance dans les formations en ingénierie – outre une meilleure intégration des langues, de paire avec une ouverture vers l’étranger – est la pédagogie par projets, menés en petits groupes d’élèves. Ce truchement permet notamment l’intégration des apprentissages, objectif vers lequel tendent aussi de plus en plus d’établissements occidentaux. L’heure est à l’interdisciplinarité et à la remise en question des cours fragmentés.

Métiers en tension voire en pénurie

Les méthodes évolueront sans doute encore mais, en attendant, les taux d’insertion professionnelle des diplômés des écoles d’ingénieurs sont excellents. Nombre de nouveaux métiers sont même en tension voire en pénurie, selon le syndicat professionnel Syntec numérique, qui réclame davantage de formations dans le traitement et l’exploitation des données massives (big data), entre autres.

Ce secteur, tout comme le métier d’ingénieur en général, attire peu les femmes, alors que garçons et filles sont à parité dans les terminales scientifiques. Leur proportion augmente cependant dans les écoles qui font un effort de communication à leur égard dans les lycées. Preuve que les stéréotypes peuvent être vaincus.

Un dossier spécial et un Salon étudiant pour tout savoir sur les écoles d’ingénieurs

Retrouvez notre dossier spécial dédié aux écoles d’ingénieurs, publié progressivement sur notre site (rubrique Ecoles d’ingénieurs) et dans un supplément de 12 pages à paraître dans « Le Monde » daté du jeudi 24 novembre, avec des décryptages, des reportages dans les écoles ainsi que des témoignages.

Des informations à compléter lors du Salon des grandes écoles du Monde, samedi 26 et dimanche 27 novembre à Paris, grâce aux conférences animées par nos journalistes et en rencontrant des responsables et étudiants de nombreuses écoles d’ingénieurs représentées. Entrée gratuite, préinscription recommandée.