François Fillon (à gauche) et Alain Juppé (à droite) sont les deux qualifié pour le second tour de la primaire de la droite, lundi 21 novembre 2016. | Le Monde

La récente course à l’onction pontificale entre François Fillon et Alain Juppé, inédite sous la Ve République entre des prétendants à la présidence de la République, illustre le poids pris par le vote des catholiques. Ou du moins la place qu’il occupe dans le discours des deux candidats qualifiés pour le second tour de la primaire de la droite et du centre, prévu dimanche 27 novembre.

  • Leur pratique religieuse

François Fillon s’est toujours dit « chrétien » et le répète dans son ouvrage-programme, Faire (Albin Michel, 2015). Le candidat se ressource chaque année à l’abbaye bénédictine Saint-Pierre de Solesmes, dans sa Sarthe natale. Il a publié une tribune dans Valeurs actuelles, avec le sénateur (LR) Bruno Retailleau (ancien proche de Philippe de Villiers), saluant dans la décision du Conseil d’Etat d’autoriser les crèches de Noël dans les lieux publics une « victoire française ». Et, il y a moins d’un an, l’une de ses plus ferventes supportrices, Valérie Boyer, rêvait que « les racines chrétiennes de la France » soient inscrites dans la Constitution.

Alain Juppé, lui, se définit simplement comme « un catholique agnostique ». Dans le documentaire que Franz-Olivier Giesbert lui a consacré sur France 3, le maire de Bordeaux confesse qu’il aime aller à la messe, car « c’est le seul endroit où on lui fiche la paix ». M. Juppé ajoute toutefois qu’il a grandi dans un milieu catholique. Au point d’avoir été enfant de chœur et même, dans ses toutes premières années, de vouloir devenir pape, explique-t-il, amusé, dans la même émission.

  • Le pape

C’est à qui des deux se revendiquera le plus fidèle à l’enseignement et à la morale du souverain pontife. Alain Juppé dénonce la vision « extrêmement traditionaliste » de son adversaire, qu’il accuse d’être « ambigu » sur le droit à l’avortement. Le maire de Bordeaux se déclare « plus ouvert au modernisme » et  « plus proche du pape François que de Sens commun ou de La Manif pour tous ».

Réplique de François Fillon, qui soutient La Manif pour tous, et qui avait voté contre la dépénalisation de l’homosexualité en 1982 : « « Je ne suis pas sûr qu’[Alain Juppé] ait totalement écouté et lu le pape François. Sur la plupart des sujets sur lesquels Alain Juppé semble vouloir me contester, le pape François dit la même chose que moi. » Toute modestie mise à part, le favori du second tour en veut pour preuve la faculté accordée par François « d’absoudre le péché d’avortement » sans pour autant l’accepter.

  • La loi Taubira

Il y a encore un mois, François Fillon renouvelait dans un message sa « sympathie » et son « soutien » à La Manif pour tous. Le député de Paris ne veut pas pour autant abroger la loi, ni revenir sur le mariage pour tous, mais il souhaite réécrire le texte voté en 2013 pour interdire l’adoption plénière par des couples homosexuels. Ce qui lui vaut le soutien de Sens commun, émanation politique de La Manif pour tous, qui revendique neuf mille « militants de terrain ».

Alain Juppé, en revanche, ne prévoit pas du tout de toucher à cette loi. Parmi ses soutiens les plus loyaux à l’Assemblée nationale, l’un d’eux avait même voté pour le texte (Benoist Apparu) et un autre s’était abstenu (Edouard Philippe).

  • La PMA et la GPA

Les deux candidats sont hostiles à l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et à la gestation pour autrui (GPA) pour tout le monde. François Fillon va plus loin, en proposant un durcissement des sanctions pénales contre « le recours et la promotion » de la GPA. Alain Juppé se déclare simplement hostile à la reconnaissance par l’état civil des enfants nés d’une GPA à l’étranger.

  • L’IVG

Alain Juppé a manifestement réussi à déstabiliser François Fillon. Le premier accuse le second de vouloir remettre en cause le droit à l’avortement. Les fillonistes ont répondu en consacrant leur traditionnel point presse hebdomadaire à cet unique sujet, mardi 22 novembre, avec l’objectif de clore la polémique et de dissiper les doutes sur la position du député de Paris. M. Fillon, répètent ses proches, ne changerait pas la législation sur le droit à l’avortement. Même s’il s’est déjà dit, en tant que croyant, personnellement opposé à cette pratique.

  • Fin de vie

François Fillon et Alain Juppé plaident pour le statu quo. Même si elle est contestée par des organisations provie, qui y voient des risques de dérive euthanasique, aucun des deux candidats ne souhaite revenir sur la nouvelle loi Claeys-Leonetti adoptée en janvier. Ce texte instaure notamment un droit à bénéficier d’une « sédation profonde et continue » pour les malades en phase terminale.

  • L’international

Au fil de la campagne, François Fillon a témoigné de son soutien aux chrétiens d’Orient, lors de plusieurs visites à Erbil, au Kurdistan irakien et à Beyrouth. Il en a même fait l’objet d’un meeting au Cirque d’hiver, à Paris, au printemps 2015. Dix jours après que la Conférence des évêques de France eut publié, le 13 octobre 2016, un important texte appelant à « retrouver le sens du politique », il leur a répondu point par point dans une lettre circonstanciée. Alain Juppé, lui, a attendu le 17 novembre pour prendre la plume.