Cocoa Beach, en Floride, le 7 octobre, après l’ouragan Matthew. | MARK WILSON/AFP

Les ouragans de l’Atlantique sont en train de se déplacer progressivement depuis les Caraïbes occidentales vers le nord de l’Amérique. A l’image de Katrina, Sandy ou encore Andrew, la Côte est des États-Unis va devenir de plus en plus vulnérable. C’est la conclusion d’une étude menée par l’université de Durham (Royaume-Uni) publiée le 23 novembre dans la revue scientifique Nature.

Les chercheurs ont reconstitué l’historique des ouragans dans la région des Caraïbes depuis 450 ans. Ils ont ainsi observé une baisse au fil des siècles du nombre d’ouragans au sud des Caraïbes tandis que le nord voyait son activité cyclonique augmenter et, plus récemment, une augmentation du nombre d’ouragans de la Côte est des États-Unis. « En comparant toutes les données de la région, nous nous sommes rendu compte que les ouragans au sud des Caraïbes n’étaient pas en train de disparaître mais de se déplacer vers le nord », explique Amy Frappier, co-auteure de l’étude et chercheuse en géoscience à l’université de Skidmore aux États-Unis.

Ces résultats sont inquiétants pour certaines des plus grandes villes américaines. « Le risque de tempêtes tropicales sur la Côte nord-est des États-Unis s’intensifie à mesure que les ouragans se déplacent, explique Lisa Baldini, auteur de l’étude et paléoclimatologue à l’université de Durham. Le nombre et l’intensité de ces événements vont continuer d’augmenter dans des zones urbaines importantes comme Boston ou New York. »

Les gaz à effet de serre mis en cause

Cette migration des ouragans n’est pas nouvelle. Au cours des derniers siècles, les trajectoires des tempêtes tropicales ont régulièrement été modifiées par les variations climatiques naturelles. Cependant, les chercheurs britanniques ont constaté qu’une diminution plus marquée de l’activité des ouragans dans le sud des Caraïbes coïncidait avec le boom industriel de la fin du XIXe siècle.

Selon les résultats de l’étude, l’augmentation des émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère serait donc à l’origine des changements de trajectoires. En effet, les quantités croissantes de gaz à effet de serre ont eu pour effet d’élargir la circulation atmosphérique proche de la ceinture tropicale, la cellule de Hadley. Plus étendue, celle-ci a donc repoussé les trajectoires des ouragans au nord, loin des Caraïbes occidentales.

« Pourtant, explique Amy Frappier, au début de l’industrialisation, l’est des États-Unis a subi un refroidissement régional initial dû à l’augmentation des émissions d’aérosols industriels et volcaniques. » Ce refroidissement aurait dû pousser les trajectoires de l’ouragan vers le sud. Mais aujourd’hui, les quantités croissantes de CO2 dans l’atmosphère ont surmonté cet effet. « Désormais, le réchauffement dû au dioxyde de carbone étend la cellule de Hadley, repoussant les tempêtes tropicales vers le nord-est des États-Unis. »

En modifiant la position des systèmes météorologiques à l’échelle globale, les émissions anthropiques sont devenues le principal moteur des changements de trajectoires d’ouragan. « Aujourd’hui, les trajectoires des ouragans de l’Atlantique réagissent davantage au réchauffement global qu’au refroidissement local », explique la chercheuse.

« C’est la première fois que nous avons la preuve que les émissions de gaz à effet de serre ont un effet direct sur le mouvement des ouragans, poursuit-elle. Et si ces émissions continuent au rythme actuel, cela se traduira par des tempêtes plus fréquentes et plus puissantes touchant les populations du nord-est des États-Unis. »

Adopter une stratégie préventive

Mauvaise nouvelle pour les pays au sud des Etats-Unis, ce changement de direction des ouragans ne devrait pas réduire le risque de cyclones tropicaux dans les Caraïbes. En effet, bien que les trajectoires d’ouragan se soient déplacées progressivement vers le nord, la hausse des températures de la surface des mers pourrait favoriser le développement de nouvelles tempêtes cycloniques dans les Caraïbes. « Par conséquent, l’activité des cyclones tropicaux dans les Caraïbes devrait demeurer essentiellement identique au cours du siècle », prévient Lisa Baldini.

Pour la chercheuse, la seule priorité aujourd’hui est de développer des stratégies de protection. « Etant donné la dévastation causée par des ouragans comme Sandy, il est important que des plans soient mis en place pour protéger les populations contre les effets de tempêtes aussi destructrices qui pourraient se produire plus fréquemment à l’avenir », explique-t-elle.

En 2012, l’ouragan Sandy avait frappé les Caraïbes et une grande partie de la Côte est des États-Unis, s’étendant jusqu’au nord du Canada. Plus de 230 personnes sont mortes à la suite de la tempête dont 43 uniquement pour la ville de New York. « Nous dépendons d’un climat stable, averti Amy Frappier. Avec l’altération de cette stabilité, de plus en plus de populations vont être exposées à des problèmes climatiques importants, il faut réfléchir à des solutions. » Pour la chercheuse, beaucoup de villes américaines sont encore trop peu préparées à ces événements climatiques.