Matteo Renzi, David Cameron, Petro Porochenko, Barack Obama, Angela Merkel et Francois Hollande lors d’un sommet de l’OTAN à Varsovie, le 9 juillet. | JONATHAN ERNST / REUTERS

Editorial du « Monde ». Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler ce qui, il y a trois ans, le 21 novembre 2013, a amené les Ukrainiens à se soulever. Ce jour-là, Viktor Ianoukovitch, alors président de cette ex-République soviétique, rejette abruptement l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne, une semaine avant sa signature, prévue à l’occasion d’un sommet européen à Vilnius. Il propose, à la place, la création d’une commission commerciale tripartite avec la Russie.

Cette décision jette spontanément les Ukrainiens dans la rue. A Kiev, les manifestants se réunissent à Maïdan, la grand-place du centre de la capitale, qu’ils parent de drapeaux aux couleurs de l’UE. Ils ne vont plus la quitter pendant quatre mois. En décembre, M. Ianoukovitch se rend à Moscou, où Vladimir Poutine lui promet un prêt de 15 milliards de dollars pour sceller un accord de rapprochement économique avec la Russie.

Le conflit se poursuit

L’insurrection contre le régime corrompu s’étend en Ukraine, se transforme en « révolution de la dignité » et aboutit en février, au prix d’une centaine de morts, au renversement du régime de M. Ianoukovitch, qui s’enfuit en Russie, où il vit toujours. En mars 2014, M. Poutine annexe la Crimée. Dans le sud-est de l’Ukraine, la guerre éclate entre l’armée ukrainienne et les rebelles séparatistes appuyés par des forces russes. Les Etats-Unis et l’UE décident de lourdes sanctions économiques contre la Russie.

Trois ans et près de 10 000 morts plus tard, le conflit se poursuit et les accords de Minsk, conclus entre Kiev et Moscou pour y mettre fin, sous l’égide de Berlin et de Paris, ne sont toujours pas pleinement appliqués.

Jeudi 24 novembre, Petro Porochenko, élu président en 2014, se rend à Bruxelles pour plaider la cause de l’Ukraine. A Kiev, l’humeur n’est pas au beau fixe. L’élection de Donald Trump et ses ouvertures à l’égard de M. Poutine font craindre aux Ukrainiens que leur pays ne soit sacrifié sur l’autel du réalisme. La perspective de voir un autre homme favorable à Vladimir Poutine, François Fillon, se présenter à l’Elysée dans une élection où une admiratrice déclarée du président russe, Marine Le Pen, est déjà candidate, ajoute à l’inquiétude.

Sanctions contre Moscou

Aux Pays-bas, les électeurs ont rejeté l’accord d’association avec l’Ukraine au cours d’un référendum. Des partisans du rapprochement avec la Russie ont récemment été élus à la tête de la Moldavie et de la Bulgarie. Plus grave sans doute, plusieurs personnalités réformatrices importantes de l’équipe ukrainienne au pouvoir ont jeté l’éponge ces derniers mois, avouant leur impuissance face au système de corruption, hérité du soviétisme, et accusant M. Porochenko, au mieux, de passivité dans ce combat.

A Berlin, le 18 novembre, le président Obama a pris les devants et, avec les dirigeants européens réunis autour de lui, il a réaffirmé la nécessité des sanctions contre Moscou. Il voudrait parvenir à un règlement de la crise ukrainienne avant la fin de son mandat, en janvier, car il sait que la souveraineté de l’Ukraine ne figurera pas au rang des priorités de son successeur.

Le délai est court : c’est donc sur l’Europe que risque de reposer désormais cette responsabilité. Elle ne doit pas s’y dérober. L’Union a su, depuis trois ans, se montrer remarquablement solidaire sur ce dossier, dont les enjeux portent sur des questions existentielles et les valeurs qu’elle défend. Quelles que soient les difficultés, les Européens ont tout intérêt à réaffirmer cette solidarité.