La colère et l’inquiétude gagnent les rangs des salariés d’Airbus. Les syndicats de l’avionneur européen redoutent que la vaste réorganisation du groupe s’accompagne d’un millier de suppressions de postes. Ces coupes claires dans les effectifs sont la conséquence de la fusion entre la maison mère d’Airbus Group, ex-EADS, et sa filiale Airbus, constructeur des A320 et autres A380. Le nombre de suppressions de postes doit être précisé lors d’un comité d’entreprise européen (CEE) du groupe prévu mardi 29 novembre.

Baptisé Gémini, le projet de rapprochement entre les deux entités tient en deux mots, dénonce la CGT d’Airbus : « Economies, synergies. » Du côté de la direction, on admet que « plusieurs centaines » de postes pourraient être supprimés. Principalement parmi « les fonctions supports administratives ». La direction veut s’attaquer aux « doublons ».

Déjà, Airbus Group et Airbus ont un directeur financier et un directeur des ressources humaines commun. Désormais, l’objectif est de réorganiser la communication, la recherche et développement (R&D) ou l’informatique. Pour la CGT, « ces suppressions de postes n’ont pas de justification économique ni industrielle ».

Selon le syndicat, « Airbus va bien, il n’a pas de soucis financiers, avec plus de 1 000 milliards d’euros de carnet de commandes ».

Effort de guerre

Du côté de la direction, on s’évertue à calmer les inquiétudes des salariés. Avec Gémini, laisse-t-elle entendre, « il n’y a pas de licenciements à craindre ». En revanche, il y aura « des départs non remplacés ». Pour rassurer les personnels, la direction rappelle que le précédent plan Power 8, lancé il y a dix ans pour redresser les comptes du groupe, prévoyait de supprimer 5 000 postes. Finalement, le coup de rabot n’avait concerné que 2 500 emplois, grâce à l’amélioration de la situation économique du groupe.

Il n’empêche, les syndicats craignent le regroupement à Toulouse, au siège d’Airbus, de certaines activités.

« Le site historique de R&D de Suresnes [Hauts-de-Seine], qui existe depuis Blériot », pourrait être fermé, déplore la CGT.

Selon le syndicat, « un poste sur deux pourrait être supprimé dans la R&D ». A l’en croire, « le projet Gémini n’est pas justifié économiquement, il est industriellement dangereux et socialement scandaleux ». La réorganisation devrait être étalée sur deux ans et demi pour s’achever fin 2019, laisse entendre Airbus.

Outre des synergies, la direction de l’avionneur européen justifie la mise en œuvre du plan Gémini pour accompagner le « chantier de transformation numérique » du groupe, explique la CGT. L’autre objectif est d’améliorer la rentabilité de l’avionneur européen. Engagés dans une rivalité au couteau, Airbus et Boeing se livrent une féroce bataille des prix. Pour soutenir cet effort de guerre, les deux concurrents cherchent, partout, des économies. Avant Airbus, Boeing a ainsi annoncé, au printemps, un plan de 4 000 suppressions de postes.

Le projet n’est pas que stratégique, il est aussi financier.

Toutefois, ce projet n’est pas que stratégique. Il est aussi financier. Tom Enders, PDG d’Airbus Group, souhaite servir plus de dividendes aux actionnaires. En 2015, « il a distribué 5 milliards d’euros de dividendes. C’est l’équivalent des profits de l’A320 », le best-seller du groupe, dénonce la CGT. Depuis 2012, les dividendes ont doublé. Le syndicat dénonce les rachats massifs d’actions qui accompagnent cette logique financière. Airbus a ainsi lancé un premier plan de rachat de plus de 3,7 milliards d’euros, en 2013, et un second d’un milliard d’euros, en 2015.

Lors de la réorganisation, Airbus poursuit son offensive contre Boeing. L’A350-1000, dernier-né des long-courriers gros-porteurs du groupe devait effectuer son premier vol, le 24 novembre à Toulouse. Avec ce nouvel avion, commercialisé 355 millions de dollars (336 millions d’euros) au prix catalogue, Airbus veut s’attaquer au 777 de Boeing. Le segment du marché le plus juteux, évalué à plus de 1 000 milliards de dollars. Airbus veut s’adjuger la moitié de ce pactole.