L’association Elles bougent lutte contre les stéréotypes pour faire découvrir aux lycéennes et aux étudiantes le métier d’ingénieur et de technicien. Entretien avec sa présidente, Marie-Sophie Pawlak, à l’occasion de la journée nationale des sciences de l’ingénieur au féminin, oeganisée jeudi 24 novembre dans 1 000 collèges et lycées.

Pourquoi si peu de femmes dans les écoles d’ingénieurs ?

Tout se joue au moment de l’orientation au lycée. Dans les terminales S, garçons et filles sont à parité, et les professeurs soulignent que les filles sont plus nombreuses à obtenir une mention au bac. Or, actuellement, dans les écoles d’ingénieurs, on tombe à 27 % de filles. En mécanique, en aéronautique ou dans le bâtiment, elles sont parfois moins de 20 %.

Les stéréotypes perdurent. Les femmes ne seraient pas faites pour ces disciplines… Les métiers de l’ingénieur seraient trop physiques pour elles… Résultat, elles n’y pensent pas, et les prescripteurs – les professeurs et les parents, notamment – ne les poussent pas dans cette voie.

Comment peut-on améliorer la situation ?

Il faut organiser des rencontres entre les lycéennes et les femmes ingénieures en poste, ce que nous faisons avec Elles bougent. Entendre des jeunes femmes qui leur ressemblent parler de leur emploi, raconter comment elles travaillent sur le Rafale, sur une ligne à grande vitesse au Maroc ou sur un projet de centrale hydraulique crée des vocations. Les lycéennes se disent : « c’est possible », « ça a l’air passionnant ».

Il est, par ailleurs, important d’intervenir dans les écoles d’ingénieurs pour pousser les femmes à oser négocier leur salaire lors d’un entretien d’embauche, oser réclamer une promotion, ce que les hommes font plus facilement. La loi sur la parité dans les conseils d’administration des entreprises a permis de les féminiser. On pourrait imaginer un système approchant dans les écoles d’ingénieurs. Pourquoi ne pas légiférer en imposant aux écoles un ratio de progression annuelle en faveur du sexe le moins représenté ?

Quels sont les types de cursus d’ingénieur qui accueillent le plus de femmes ?

Elles sont beaucoup plus présentes dans certaines filières comme l’agronomie, les sciences de la vie, l’agroalimentaire, qui attirent parfois plus de 60 % d’étudiantes, notamment parce que ces cursus sont perçus, consciemment ou non, comme plus féminins : il s’agit de « prendre soin », que ce soit de la nature, des animaux…

Les écoles post-bac comptent en général davantage de filles que celles recrutant sur concours, car les filles osent moins se lancer dans les deux ans de prépa nécessaires, par peur de ne pas être au niveau. Alors qu’un garçon en terminale tentera plus facilement l’aventure, même si ses notes sont moins brillantes.

Cependant, des établissements qui partaient de loin parviennent, petit à petit, à améliorer les choses. C’est le cas, par exemple, d’Arts et métiers ParisTech ou de l’ESILV (Ecole supérieure d’ingénieurs Léonard-de-Vinci), à la Défense, qui ont davantage de jeunes femmes, grâce notamment à des rencontres entre étudiantes, professionnelles et lycéennes.

Propos recueillis par Françoise Marmouyet

Un dossier spécial et un Salon étudiant pour tout savoir sur les écoles d’ingénieurs

Retrouvez notre dossier spécial dédié aux écoles d’ingénieurs, publié progressivement sur notre site (rubrique Ecoles d’ingénieurs) et dans un supplément de 12 pages à paraître dans « Le Monde » daté du jeudi 24 novembre, avec des décryptages, des reportages dans les écoles ainsi que des témoignages.

Des informations à compléter lors du Salon des grandes écoles du Monde, samedi 26 et dimanche 27 novembre à Paris, grâce aux conférences animées par nos journalistes et en rencontrant des responsables et étudiants de nombreuses écoles d’ingénieurs représentées. Entrée gratuite, préinscription recommandée.