L’administration fiscale française aurait adressé à Apple une amende de 400 millions d’euros. | Matthias Schrader / AP

Après Amazon et Google, au tour d’Apple de faire les frais du courroux du fisc français. L’administration fiscale aurait adressé à la firme à la pomme une amende de 400 millions d’euros, selon l’édition du 23 novembre de L’Express. En cause, ses pratiques d’optimisation fiscale, qui lui permettent de faire remonter la plupart de ses profits dans des pays aux régimes d’imposition plus cléments, tels que l’Irlande.

Le redressement porterait sur Apple France, la filiale du groupe américain, qui commercialise hors de ses magasins ses produits (iPhone, Mac, iPad…). Or, le chiffre d’affaires de cette structure est très faible – 69 millions d’euros selon L’Express –, le reste étant rapatrié en Irlande. Le fisc, qui avait procédé à des perquisitions en 2014, sanctionnerait les exercices allant de 2011 à 2013, avant que la prescription ne s’exerce.

De son côté, Apple affirme n’avoir reçu aucune notification de la part du fisc. Selon une source proche de l’entreprise, les dirigeants de la société auraient découvert l’existence de ce montant dans la presse et auraient demandé des explications aux autorités. Interrogé le secrétariat d’Etat au budget ne fait pas de commentaire, évoquant le secret fiscal. Ces derniers jours pourtant, Christian Eckert avait semé les indices laissant à penser qu’une amende avait été octroyée.

« D’ores et déjà, les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – se sont vu notifier 2,5 milliards d’euros de redressement. Et ce n’est pas fini car les exercices 2013 à 2015 restent en cours de contrôle et l’on peut penser qu’ils donneront lieu à des redressements de même ampleur », a lancé le secrétaire d’Etat, jeudi 17 novembre, devant l’Assemblée nationale, à l’occasion des débats sur le projet de loi de finances.

« Aujourd’hui, rien ne nous empêche de redresser les prix de transferts qui ont été pratiqués par Apple », a poursuivi le représentant du gouvernement.

Le fisc aurait déjà infligé une amende de 234 millions d’euros à Amazon, tandis que l’ardoise de Google s’élèverait à un peu plus de 1 milliard d’euros.

Mécanisme complexe

« Ces redressements ne font l’objet, je tiens à le souligner, d’aucune négociation, contrairement à la politique menée dans des pays comme le Royaume-Uni ou l’Italie », a également assuré M. Eckert. C’était une manière pour le gouvernement de ne pas prêter le flan à la critique. Problème : si les amendes ne sont pas négociées, cela laisse la possibilité aux entreprises poursuivies de les contester devant le tribunal.

Si ces dernières exerçaient ce droit, combien l’Etat percevrait au final ? Sans doute pas autant qu’espéré. Car, si l’administration fiscale est devenue plus intransigeante ces dernières années, multipliant les contrôles, le mécanisme du prix de transfert – le prix fixé pour une cession ou un service entre des structures au sein d’un même groupe – est complexe à appréhender.

« Il faut faire comme si la transaction avait lieu entre deux sociétés indépendantes, et donc avoir des comparables », indique Philippe de Guyenro, avocat fiscaliste au sein du cabinet Reinhart Marville Torre. Autre argument que ne manquerait pas de mettre en avant Apple, le lieu où est créée la valeur. « Que rémunère-t-on quand on achète un iPhone ? Sa marque et son ingénierie, et là, les profits doivent être taxés aux Etats-Unis ? Sa production, réalisée en Chine ? Ou le marketing et la distribution, qui justifie d’imposer le territoire », poursuit Me Guyenro.

Régulièrement, Apple rappelle que l’entreprise tire l’essentiel de ses profits de la propriété intellectuelle développée en Californie où elle emploie 70 000 personnes. Au sein de l’OCDE, on estime que, si les multinationales américaines, qui ne paient quasiment pas d’impôts en Europe, doivent procéder à des ajustements, la plupart des profits qu’elles réalisent puisent leurs origines aux Etats-Unis.

Une chose est sûre, selon un expert, l’ajustement du fisc français imposé à Apple aurait un impact concret sur l’amende de 13 milliards d’euros infligée par la Commission européenne. Les 400 millions d’euros viendraient de facto se défalquer de la somme que percevrait l’Irlande. Et ce même si M. Eckert a réaffirmé que la France ne réclamerait pas sa part du gâteau.