Nicolas Glady en est ­convaincu : « L’innovation naît de l’hybridation. C’est pourquoi nous nous attachons à proposer à nos ­élèves des formats d’apprentissage différents, fondés sur la transdisciplinarité. » En tant que chief digital officer de l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), ce professeur de marketing est à la tête de la direction de la transformation ­numérique mise en place à la rentrée 2016.

Cette ­démarche, l’école du Val-d’Oise l’a initiée il y a plus de dix ans, à travers le programme CPI (conception d’un produit ­innovant) mené en partenariat avec l’association Schoolab, une pépinière dédiée au numérique et à l’innovation. Le principe ? Rassembler des étudiants de l’Essec, de Centrale Paris et de l’école de design Strate basée à Sèvres (Hauts-de-Seine)pour travailler sur un projet soumis par une entreprise.

Inspiré d’une pratique développée sur le campus américain de Stanford (Californie), le programme s’inscrit dans une démarche de design thinking, un processus d’innovation concret centré sur l’utilisateur. « Au lieu de chercher à obtenir un produit parfait, on propose rapidement un prototype que l’on teste pour voir s’il correspond aux attentes réelles », indique Paul Granier, qui a participé au programme en 2015.

Eviter le formatage

Pour le futur diplômé, « avoir passé plusieurs mois à travailler avec des ingénieurs et des designers permet de s’ouvrir à d’autres méthodes et d’éviter le formatage souvent reproché aux écoles de commerce. Aujourd’hui, les entreprises demandent de savoir communiquer avec des gens qui font un autre métier que le sien et raisonnent différemment ».

C’est aussi dans cet esprit que Xavier Pavie, professeur d’innovation, a conçu l’iMagination Week en 2012 : une semaine durant laquelle il s’agit d’amener les 700 étudiants de deuxième année à « développer une vision prospective qui aille au-delà d’une réflexion sur les chiffres », insiste l’enseignant, qui s’est fixé une règle pour cet événement : « Tout, sauf du business. »

Sur des thématiques comme le bien-être ou la place du citoyen dans la cité, la parole est donnée à des personnalités très diverses : l’astrophysicien Hubert Reeves, la sommelière britannique Kathrine Larsen, le groupe punk Les Wampas… A partir de ces interventions, les élèves travaillent en groupe sur un sujet qu’ils devront présenter en fin de semaine. Là aussi, le mélange est de mise : tout en brassant les nationalités, les équipes regroupent des ­anciens élèves de classe préparatoire et des admis sur titres issus d’autres formations.

« Entendre un artisan expliquer comment il a découvert dans le chocolat un matériau de création nous fait prendre conscience du terrain de jeu incroyable qui s’offre à nous. »

« Tout cela nous fait sortir de notre univers habituel » , raconte Danaé Bouteille, en cinquième année. A ses yeux, l’iMagination Week constitue « un moment charnière dans la scolarité ». ­ « Entendre un artisan comme Patrick Roger expliquer comment il a découvert dans le chocolat un matériau de création nous fait prendre conscience du terrain de jeu incroyable qui s’offre à nous. Alors que la voie semblait toute tracée, cette semaine nous conduit à nous interroger sur ce que l’on veut et peut faire pour trouver du sens », ­explique la jeune femme. Difficile de dire dans quelle mesure ce questionnement trouve plus tard une traduction concrète, mais l’école espère avoir ouvert des portes.

Autre objectif de la semaine : impliquer les élèves dans leur apprentissage, à travers le concept du BYOC (Build your own course) : des enseignants proposent des thèmes de cours sur lesquels les étudiants travaillent ensuite pendant plusieurs mois, de manière à « construire leur propre cours ». A d’autres moments de l’année, ils ont la possibilité de présenter directement au comité pédagogique un sujet qu’ils aimeraient voir intégré au cursus.

Une bibliothèque du XXIe siècle

C’est ainsi qu’est né un cours sur l’elevator pitch, cet exercice qui consiste à exposer son projet de start-up en quelques minutes. Ces initiatives s’inscrivent dans le projet éducatif de design learning développé par Jean-Michel Blanquer : le directeur de l’Essec souhaite inciter les élèves à « dessiner eux-mêmes leur parcours de formation ».

Pour favoriser l’émergence de nouvelles pédagogies, l’école a inauguré cette année le K-Lab (knowledge center). Conçu comme « la bibliothèque digitale du XXIe siècle », cet ­espace de 900 m² accueille notamment des ateliers sur des techniques de réflexion et de créativité comme le mindmapping ­[représentation sous forme de carte des idées] et le design thinking.

Cependant, « ce ne sont pas toujours ces ateliers qui marchent le mieux », regrette Nicolas Glady, qui note que les logiciels PowerPoint et Excel font davantage le plein… Le K-Lab possède aussi un studio d’enregistrement pour que les étudiants puissent apprendre à « exprimer leur vision du monde sur les réseaux ­sociaux ». Autant d’outils mis à disposition des élèves. A eux, ensuite, de s’en saisir.