A l’image de la compétition de la primaire de la droite, qui aura été avant tout une affaire masculine, avec une seule candidate pour six hommes, la question de l’égalité entre les femmes et les hommes a été relativement peu audible lors de la campagne.

Il aura fallu attendre l’entre-deux-tours pour qu’un thème relatif aux femmes soit mis sur le devant de la scène, mais par opportunisme électoral, sous forme d’invectives, et autour d’un droit déjà acquis par les femmes : celui d’avorter.

Si on a peu entendu des propositions consacrées à l’égalité entre les femmes et les hommes, chacun des deux candidats en compte pourtant bien dans son programme. Que contiennent-elles ? On fait le point avant le second tour.

Alain Juppé

M. Juppé a tenté de se poser en défenseur de l’égalité femmes-hommes dès septembre-octobre, lors de rencontres avec des femmes à Bordeaux et à Marseille, soulignant que « dans notre société qui a perdu ses repères, l’égalité hommes-femmes est un élément constitutif » et « un principe fondamental ». Mais c’est véritablement après le premier tour que le candidat a mis l’accent sur ces questions, souhaitant apparaître comme le candidat à la fibre féministe face à son concurrent taxé de conservatisme sur les questions de société, et reprochant à son rival son flou sur la question de l’avortement. Mardi 22 novembre, l’épouse de M. Juppé est montée sur scène pour vanter son action à la mairie de Bordeaux en matière d’égalité femmes-hommes.

Dans son programme, consultable en ligne, M. Juppé décline cette thématique autour de quatre grands axes : lutter contre les violences faites aux femmes, s’attaquer à la pauvreté et à la précarité, promouvoir une égalité globale de traitement professionnelle, renforcer l’égalité dès le plus jeune âge et augmenter la mixité des métiers.

  • Pour lutter contre les violences faites aux femmes, M. Juppé propose la mise en place d’« un programme de formation coordonnée des forces de sécurité, des professionnels de santé, des magistrats afin de renforcer la prise de conscience de l’urgence et de la gravité de la situation » ou encore « la mise en place de statistiques sur les violences constatées ». Il propose aussi un renforcement de la prévention contre les violences « dès le plus jeune âge », passant par une campagne nationale. Sa proposition sur la prise en charge des victimes demeure toutefois assez vague.
  • Le maire de Bordeaux souhaite aussi la création de centres d’accueil pour les femmes au sein des centres communaux d’action sociale et d’unités mobiles qui iraient à la rencontre des femmes isolées.
  • Comme son concurrent, M. Juppé propose de lutter contre les inégalités entre femmes et hommes dès l’école, notamment par un « rééquilibre » des manuels scolaires, pour mettre en valeur « l’apport des femmes » ou par la lutte contre le cybersexisme.
  • L’ex-premier ministre souhaite également « optimiser » l’équilibre vie professionnelle-vie privée « pour les femmes comme pour les hommes via des aménagements souples dans le cadre des négociations des entreprises sur le temps de travail ». Il s’attache ainsi à « la garantie du libre choix de mode de garde des enfants, y compris pour les indépendantes et les femmes en recherche d’emploi ». Il ne précise toutefois pas s’il s’agirait de créer plus de places en crèche ou bien de permettre l’accès à d’autres modes de garde.
  • Se posant en défenseur de la parité dans tous les domaines publics, M. Juppé fait valoir un « état exemplaire » en la matière, avec « des indicateurs de parité à tous les échelons de la fonction publique ». Lors du second débat télévisé de la primaire, M. Juppé s’était engagé, s’il était élu, à mettre en place un gouvernement paritaire. Il avait également déclaré trouver « pertinente » l’idée de nommer une femme à Matignon. M. Juppé avait également abordé l’idée de créer « un grand ministère de l’égalité entre les hommes et les femmes ».

La campagne n’aura pas manqué de rappeler à l’ancien premier ministre l’épisode des « Juppettes », ces femmes de son gouvernement qu’il avait renvoyées en bloc en 1995 quand il était à Matignon. Un « mauvais souvenir » que M. Juppé a tenté d’évacuer : « Tout ça, c’est du passé. N’en parlons plus », avait-il répondu.

François Fillon

Pour construire son programme « pour la liberté des femmes » – ainsi qu’il est intitulé –, le candidat s’est appuyé sur le mouvement Les Femmes avec Fillon. Ses propositions se déclinent autour de trois axes : des mesures en direction des mères isolées, la nécessité de lutter contre les violences faites aux femmes et de garantir la protection des enfants et l’égalité hommes-femmes.

  • M. Fillon évoque les combats qu’il reste à mener, notamment en termes d’inégalités salariales. Mais s’il affirme qu’il faut favoriser le rattrapage – notant en moyenne 25 % d’écart de salaire mensuel entre hommes et femmes – François Fillon ne donne aucune mesure concrète, puisque selon lui « ce n’est pas l’Etat qui peut en décider seul ».
  • Le grand favori de la primaire propose également de favoriser la création de nouvelles places d’accueil pour la garde des enfants et de développer le télétravail, estimant qu’une mère peut difficilement participer « à une réunion prévue à 17 heures quand elle doit aller chercher son enfant à la même heure ».
  • Sur les violences faites aux femmes, M. Fillon veut développer l’hébergement d’urgence, renforcer la lutte contre ce qu’il nomme « le système prostitutionnel », ou encore renforcer les dispositifs de signalement de harcèlement sexuel dans les entreprises.
  • Comme son adversaire, il souhaite sensibiliser les enfants au respect des femmes dès l’école primaire.
  • Proposition notable du programme de M. Fillon : il propose « d’augmenter les délais de prescription de plainte pour les femmes victimes d’agression sexuelle qui mettent souvent du temps à porter plainte », soulignant qu’« il faut en moyenne seize ans pour qu’une victime porte plainte ». Il propose aussi d’infliger une amende aggravée aux auteurs d’incivilités commises à l’égard des femmes dans l’espace public et dans les transports en commun.
  • Enfin, côté politique, M. Fillon dit vouloir « appliquer une tolérance zéro du sexisme ».

Des propositions que la femme du candidat, Pénélope, et les membres des Femmes avec Fillon ont présenté lors d’une conférence de presse mi-novembre, rapporte LCI. Libération rappelle toutefois que le jour du vote de la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes en août 2014, François Fillon s’est… abstenu.

Débat entre Fillon et Juppé : passe d'armes autour de l’IVG
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