Philippe Germond, patron d’Europcar, et Caroline Parot, alors directrice générale du groupe, en mai 2015 à Paris. | FRANCOIS GUILLOT / AFP

Brusque changement de conducteur chez Europcar. Philippe Germond, le patron depuis septembre 2014 du numéro un européen de la location de voitures, vient d’être écarté par son conseil d’administration. Ex-PDG de SFR et du PMU, Philippe Germond a été immédiatement remplacé à la présidence du directoire d’Europcar par Caroline Parot, sa directrice générale, a annoncé l’entreprise vendredi 25 novembre.

Dans le communiqué officiel, Jean-Paul Bailly, l’ancien patron de la RATP qui préside le conseil de surveillance d’Europcar, a vivement remercié Philippe Germond, en lui souhaitant « le meilleur pour le futur ». En dépit des mots affectueux, la rupture a été brutale. « Philippe a appris qu’il devait partir il y a moins de huit jours, il ne se doutait de rien », confie un témoin. Le 4 octobre encore, il avait présenté aux investisseurs sa stratégie pour 2020, avec l’ambition d’atteindre alors un chiffre d’affaires supérieur à 3 milliards d’euros, notamment grâce à des acquisitions. Il espérait bien être encore au volant d’Europcar dans quatre ans, à la fin du plan.

Le conseil en a décidé autrement, et l’a fait partir avec un chèque. Vendredi, l’entreprise a tenu à rassurer les marchés : il n’y a pas de loup dans les comptes. Les projections à 2020 restent inchangées, de même que les prévisions financières pour 2016. L’entreprise devrait dégager pour l’exercice qui s’achèvera fin décembre les meilleurs résultats depuis une dizaine d’années. Le conseil souligne d’ailleurs combien Philippe Germond a « joué un rôle clé » dans le redressement de la rentabilité du groupe, qui avait perdu de l’argent pendant huit années consécutives. Elle le félicite aussi pour le succès de l’introduction en Bourse d’Europcar, en juin 2015.

Divergence avec le fonds Eurazeo

Ce que tait le communiqué, c’est qu’il y a bien eu des divergences entre Philippe Germond et son conseil et, au-delà, son actionnaire de référence, le fonds Eurazeo. « Cela n’avait jamais été l’amour fou entre eux, croit savoir un proche du dossier. Il y avait déjà eu des escarmouches avec Patrick Sayer, le patron d’Eurazeo. » La baisse du cours de Bourse d’Europcar, en recul d’un tiers depuis l’introduction sur Euronext malgré de bons résultats financiers, a sans doute tendu les relations. « Et pourtant, l’évolution du titre est due en bonne partie à des facteurs extérieurs, comme la chute en Bourse d’Avis et Hertz, ou le Brexit », note un proche de l’entreprise.

Difficile de connaître les raisons exactes du désaccord. « Un manque d’implication personnelle de Philippe Germond », avance l’un. « Une question plus stratégique », suggère un autre. Le président du directoire souhaitait réaliser des investissements assez massifs dans les prochaines années, afin d’assurer la pérennité d’Europcar dans un marché de la mobilité en plein bouleversement, quitte à ce que cela pèse un peu sur les profits. Eurazeo, qui a déjà ramené sa participation à 42 % et peut vouloir continuer à se désengager, se serait montré rétif à un tel effort. Une version démentie par le fonds.

« La réalité, c’est simplement que, même si Philippe a fait un boulot formidable, la nouvelle équipe de direction qu’il a mise en place se suffit à elle-même », commente un administrateur.

Seule déclaration officielle du conseil : Caroline Parot, l’ancienne directrice financière devenue directrice générale puis aujourd’hui numéro un, est chargée de faire entrer Europcar « dans une nouvelle phase d’accélération de son déploiement stratégique ».

Dans l’immédiat, ce changement inattendu à la tête du groupe n’a guère fait dévier l’action de sa route : vendredi, en fin de séance, Europcar montait d’un timide 0,4 %. Le champion français de la location vaut ainsi 1,2 milliard d’euros en Bourse.