Le cinéma français veut passer à la vitesse supérieure à l’export
Le cinéma français veut passer à la vitesse supérieure à l’export
LE MONDE ECONOMIE
En 2015, l’écurie de Luc Besson a été la locomotive des films hexagonaux à l’étranger.
Doper le cinéma français hors de nos frontières. Tel est l’objectif du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui a adopté, jeudi 24 novembre, un « plan export », en dégageant un coup de pouce financier de 12 millions d’euros par an.
Avec 111,4 millions d’entrées en dehors de la France en 2015, le cinéma hexagonal compte déjà davantage de spectateurs à l’étranger que sur son territoire. Et il peut toujours se targuer d’être le pays européen qui exporte le mieux son 7e art. Mais la compétition avec Hollywood reste particulièrement inégale.
Les longs-métrages américains dégagent deux tiers de leurs recettes à l’étranger et représentent près de 80 % de la programmation des salles mondiales. La bataille se durcit chaque jour davantage, puisque les budgets de promotion des blockbusters hollywoodiens viennent de dépasser, en moyenne, leurs coûts, déjà colossaux, de production…
L’enjeu du CNC est de renforcer la présence des films français sur certains territoires, comme l’Amérique du Sud (où 22,6 millions de spectateurs ont vu des films hexagonaux en 2015) ou l’Asie, devenue la première zone d’exportation du cinéma français, avec 29,4 millions d’entrées.
0,90 euro de subvention sur les entrées réalisées dans 55 pays
Si une vingtaine de nouvelles salles s’ouvrent chaque jour en Chine, il est extrêmement difficile de percer dans ce pays. Le nombre de films étrangers admis chaque année y est toujours contingenté.
« Au même titre que les dessins animés, qui sont conçus dès l’amont comme des projets internationaux, il nous faut penser “monde” pour chaque nouveau film », assure Frédérique Bredin, la présidente du CNC.
Il en va « du rayonnement culturel de la France », mais aussi d’impératifs économiques. L’ambition artistique de certains films exige des budgets élevés. De façon plus évidente encore, le nombre important de films produits chaque année dans l’Hexagone est tel qu’ils ne peuvent pas être rentabilisés sur un seul territoire.
Avec l’aval de la Commission européenne, le CNC a donc créé un nouveau compte de soutien aux exportateurs de films. Ils pourront toucher 0,90 euro de subvention sur les entrées de films français réalisées dans 55 pays (pas seulement aux Etats-Unis, en Suisse et au Japon, où le prix du billet est très élevé, mais aussi au Vietnam ou dans des Etats d’Afrique). Cette « prime au succès », selon Mme Bredin, sera accordée jusqu’à la 700 000e entrée. Elle est destinée à être réinvestie dans de nouveaux films et est plafonnée à 250 000 euros. L’objectif est d’augmenter le nombre de films exportés (585 en 2015), le nombre de pays où ils sont diffusés ainsi que le nombre de spectateurs pour chacune de ces œuvres.
Au plus haut depuis 2003
Ce dispositif mis en place à titre expérimental pour trois ans est doublé d’une aide à l’exportation des programmes audiovisuels (aides au sous-titrage, au doublage et à la promotion).
Ce plan de soutien à l’export intervient alors que, en 2015, les ventes de films français à l’étranger ont atteint un « niveau historiquement élevé », selon un rapport du CNC réalisé en collaboration avec UniFrance – chargé de la promotion du cinéma hexagonal dans le monde. A leur plus haut niveau depuis 2003, les recettes liées à la vente des films français ont représenté 215,8 millions d’euros, soit 11,3 % de plus qu’en 2014. L’Amérique du Nord s’impose comme le principal acheteur de ces droits. Avec les apports en coproduction en provenance de l’étranger, les recettes d’exportation des films hexagonaux se sont établies, en 2015, à près de 470 millions.
Sur la première marche du podium, Taken 3, le film d’action d’Olivier Megaton, coécrit par Luc Besson. Bien que tourné en anglais, le film répond à une partie des critères qui permettent de le classer parmi les œuvres audiovisuelles françaises (nationalité du réalisateur, de l’équipe technique, des lieux de tournage…).
L’humour hexagonal se partage
Le long-métrage caracole en tête, avec 44 millions d’entrées dans 83 territoires, dont 10,6 millions rien qu’aux Etats-Unis et au Canada anglophone et 5,4 millions en Chine. L’espion accusé d’avoir tué sa femme est suivi, dans ce palmarès, par le plus grand succès international d’un film d’animation : Le Petit Prince, de Mark Osborne, avec plus de 15 millions d’entrées hors de nos frontières. Autre locomotive de l’écurie de Luc Besson, Le Transporteur Héritage, de Camille Delamarre, également tourné en anglais, a engrangé 12,8 millions d’entrées à l’international. Ces trois longs-métrages réalisent près des deux tiers des entrées de tout le cinéma français.
C’est aussi pour essayer de « lisser » les recettes à l’export que ce nouveau plan a été mis en œuvre. Eviter les à-coups avec des années tirées ou non par un très gros film français de langue anglaise. D’ailleurs, une prime de 20 % sera accordée aux exportateurs, s’ils montrent des films en langue française ou s’il s’agit de premiers ou de seconds longs-métrages. Si, en 2014, 71 % des films dits français exportés n’étaient pas tournés dans la langue de Molière, en 2015, ce résultat a quelque peu baissé, à 59,1 %.
Autre enseignement, l’humour hexagonal peut se partager. En témoignent les résultats de deux comédies, celle d’Eric Lartigau, La Famille Bélier (3,6 millions d’entrées), et celle de Philippe de Chauveron Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu (2,8 millions). Dix films ont franchi le million d’entrées à l’international. Les films d’auteur tirent aussi leur épingle du jeu, puisque, bien souvent, ils comptent davantage de spectateurs hors de nos frontières, comme le très beau Sils Maria, d’Olivier Assayas, avec Juliette Binoche.