Donald Trump à son arrivée dans les locaux du « New York Times », le 22 novembre. | SPENCER PLATT / AFP

« Et j’espère que nous allons tous bien nous entendre. » Cette phrase adressée aux journalistes du New York Times, Donald Trump l’a prononcée mardi 22 novembre au début d’un entretien d’une heure quinze, qui a failli ne jamais se tenir. Sa première interview au quotidien américain depuis son élection, le futur président l’avait d’abord acceptée, puis l’a annulée, avant de la confirmer. Le tout en critiquant le journal :

« J’ai annulé l’entretien d’aujourd’hui avec le “New York Times”, qui est en faillite, parce que les conditions en ont été changées au dernier moment. Pas sympa. »
« Peut-être qu’un nouvel entretien avec le “New York Times” sera organisé. En attendant, ils continuent de couvrir mon actualité avec inexactitude et sur un ton méchant ! »

De son côté, le New York Times affirme qu’il n’a jamais souhaité changer les modalités de l’interview. Inversement, l’équipe de M. Trump aurait demandé, la veille de l’entretien, qu’il soit « off the record », c’est-à-dire « confidentiel ». Ce que le journal a refusé.

Dans le contexte de ce prologue étrange, le New York Times a mis en place une couverture inédite de l’interview de M. Trump. D’abord, en livrant un récit en direct avec un live-tweet ; ensuite, en publiant le verbatim de l’entrevue, soit une trentaine de pages (en plus du résumé de l’interview). Le but étant d’assurer une transparence maximale quant au contenu de la discussion, et de garder le contrôle sur un Donald Trump qui, la veille, s’en était pris à d’autres journalistes.

« Peloton d’exécution » des médias

Lundi 21 novembre, plusieurs grands noms du journalisme télévisuel – de Charlie Rose (CBS News) à George Stephanopoulos (ABC News) en passant par Wolf Blitzer (CNN) – et leurs patrons de chaîne étaient « convoqués » par Donald Trump dans sa tour de Manhattan, explique le New York Times.

Ce casting « de vedettes », comme les appelle le Washington Post, s’y est rendu en pensant que le futur président allait leur détailler l’accès qu’ils auraient à l’administration Trump au cours de son mandat. Cela n’a pas été le cas. Et le piège s’est refermé sur eux, car il s’agissait d’une rencontre off the record, les participants ayant accepté de ne pas divulguer le contenu de la discussion. Or, dès la fin de l’entrevue, le New York Post rapportait, en citant des sources anonymes :

« La rencontre a été un peloton d’exécution (…) un désastre total (…) Donald Trump répétait : “Nous sommes dans une salle de menteurs, de médias déloyaux et malhonnêtes qui n’ont rien compris.” »

Puis la porte-parole de M. Trump, Kellyanne Conway, a pris officiellement la parole, affirmant que la réunion avait été « excellente ». Brandon Friedman, un spécialiste des relations publiques, cité par le Washington Post, analyse la situation sur son compte Twitter :

« Ces journalistes sont tombés dans un guet-apens, ils étaient d’accord pour ne pas en parler, puis Trump est allé droit vers le “Post” pour lui donner sa version. »

S’il n’y a pas de preuve que M. Trump est la source du New York Post, la journaliste du Washington Post rappelle qu’il s’agit de quelqu’un « qui avait l’habitude de se faire passer pour son propre attaché de presse afin de se vanter de ses conquêtes amoureuses ».

Rédacteur en chef politique du site Business Insider, Oliver Darcy, propose une analyse de la portée de cet épisode. Selon lui, « une grande partie de l’Amérique » se contentera de ce résumé : « Trump frappe l’élite des médias en personne. »

« Dans un même souffle »

En refusant le « off », le New York Times a évité de voir le « piège » se répéter. Dans un article qui relate l’entrevue de M. Trump au quotidien américain, le journaliste Michael M. Grynbaum, qui était présent, analyse l’attitude du futur président vis-à-vis des médias. Il raconte avoir été témoin de « l’approche caméléon » qu’adopte M. Trump en présence de journalistes. 

Face au dispositif de transparence mis en place, son « humeur » s’était « adoucie », précise-t-il. Il le décrit comme « plein de sollicitude, mesuré, tel un homme d’affaires distribuant des poignées de main dans le but de trouver un terrain d’entente ». D’ailleurs, le président élu n’a pas dissimulé ses intentions, relate encore Michael M. Grynbaum :

« Il m’a dit : “Ce serait une grande réussite si je pouvais revenir ici dans un an ou deux et entendre beaucoup de gens dire que j’ai fait du superboulot.” »

Pour M. Grynbaum, ce Donald Trump adouci vis-à-vis des médias ne représente pas une nouvelle donne. Il rappelle que « depuis ses jeunes années d’arriviste à Manhattan, M. Trump a cultivé sa capacité à faire la cour à la presse et à la condamner dans le même temps, parfois dans un même souffle ».