Des migrants attendent d’être évacués descampements près du métro Stalingrad, à Paris, vers des CAO en dehors de la capitale, le 4 novembre. | PHILIPPE LOPEZ / AFP

Un centre d’accueil et d’orientation (CAO) qui sert de tremplin pour une expulsion… un assistant social qui aide la police à assigner des Soudanais à résidence… Les cartes seraient-elles en train de se brouiller et ces lieux qui devaient héberger les migrants des campements seraient-ils en train de se refermer sur eux comme un piège ? Si la pratique est pour l’heure isolée, le sort réservé à Yacine, Rédouane, Hamadnallah et Abdalrizg, quatre Soudanais hébergés dans le CAO de Blois, interroge.

Vendredi 25 novembre, ils vont tous les quatre dormir dans le centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot près de Roissy et le risque qu’il soit mis de force dans un avion pour l’Italie est grand. Jeudi, déjà, ils avaient refusé d’embarquer dans le vol à destination de Turin où quatre fauteuils leur avaient été réservés.

Ces Soudanais, passés par l’Italie avant d’arriver en France, campaient dehors à Paris. Ils ont été évacués de Stalingrad en juin et envoyés dans le CAO de Blois. Là, ils ont commencé leur procédure de demande d’asile avant de se voir assignés à résidence le 3 octobre, au sein même de leur CAO. Il leur a en effet été signifié par la préfecture du département que le règlement de Dublin – qui prévoit que les demandes d’asile soient examinées dans le pays d’entrée dans l’UE – s’appliquant pour eux, ils allaient être renvoyés en Italie, pays où ils avaient laissé leurs empreintes… Et c’est un assistant social de leur CAO qui a servi d’interprète à la police pour les assigner à résidence et leur signifier qu’ils devaient pointer quotidiennement au commissariat.

Différence de traitement

Dans leur cas, la procédure Dublin a été confirmée le 7 octobre par le tribunal administratif et leur demande de remise en liberté n’a que très peu de chances d’aboutir compte tenu du juge qui officie aujourd’hui. Tous les quatre étaient déjà poursuivis par la malchance quand ils se sont installés sur leurs matelas dans les rues de Paris.

En effet, s’ils avaient campé à Calais au lieu de Stalingrad, ils n’en seraient pas là aujourd’hui et ne risqueraient pas d’être renvoyés en Italie, puisque le ministre de l’intérieur s’est engagé pour vider la jungle, à autoriser les « dublinés » à rester en France.

Au fil des semaines, la différence de traitement entre les migrants de Paris et ceux de Calais, interroge nombre d’entre eux. En ce qui concerne les quelque 5 000 évacués de Calais, là aussi le traitement diffère d’un département à l’autre. Si Bernard Cazeneuve a promis qu’aucun renvoi ne serait fait, en revanche, il y a ceux qui peuvent redéposer tout de suite une demande d’asile en France et ceux qui doivent attendre six mois pour le faire. Dans le CAO de Rennes, des migrants ont rédigé un communiqué et manifesté leur mécontentement d’être contraints d’attendre six mois. Une pratique qui engorge les lieux d’hébergement…

En France aujourd’hui, l’application du règlement européen de Dublin varie donc en fonction du préfet qui l’applique et du lieu où le migrant a campé avant d’être évacué. L’égalité territoriale serait-elle un concept trop français pour être appliqué à des gens venus d’ailleurs ?