LA LISTE DE NOS ENVIES

Cette semaine, planez au son des synthétiseurs du groupe mythique Tangerine Dream ; écoutez la magnifique Emmanuelle Riva raconter son parcours de comédienne ; revivez l’itinéraire politique d’Erdogan pour mieux comprendre ce qu’il se passe aujourd’hui en Turquie ; et découvrez ce qu’être athée en pays musulman veut dire.

Les stars de l’électro

Tangerine Dream - Farewell to Edgar Froese.
Durée : 07:38

David Bowie en était fan, tout comme Salvador Dali. Jean-Michel Jarre l’est toujours, ainsi que de nombreux compositeurs attirés par la musique électronique. Fondé en 1967 à Berlin-Ouest par un étonnant personnage nommé Edgar Froese, Tangerine Dream est devenu un groupe mythique à travers le monde. Et dans l’histoire de la musique électronique, des albums comme Zeit, Phaedra, Ricochet ou Force majeure font référence.

Bannissant dès le début des années 1970 les instruments traditionnels au profit de synthétiseurs, le groupe a entraîné un public de plus en plus nombreux vers des horizons sonores planants, novateurs et en phase avec l’air du temps. De la petite scène du Zodiac Club à Berlin à des salles gigantesques à travers le monde, les concerts du groupe restent des événements.

Au cours de son demi-siècle d’existence, Tangerine Dream a vu défiler une vingtaine de musiciens différents qui se sont succédé au côté d’Edgar Froese, décédé en janvier 2015. Ce documentaire riche en archives privées, extraits de concerts et entretiens, constitue un bel hommage au fondateur du groupe qui déclarait : « la musique psychédélique est un concept lié à la liberté musicale. Au fait de laisser libre cours à mes émotions du moment, sans loi ni limites ». Alain Constant

« Tangerine Dream », de Margarete Kreuzer (Allemagne, 2016, 60 minutes). Sur Arte + 7, jusqu’au vendredi 2 décembre.

Emmanuelle Riva à cœur ouvert

Emmanuelle Riva in Hiroshima mon amour
Durée : 04:06

Michelle Porte, connue notamment pour ses livres et ses documentaires sur et avec Marguerite Duras, a rendu visite à Emmanuelle Riva, inoubliable « Elle » d’Hiroshima mon amour (1959), d’Alain Resnais. L’actrice, qui n’a pas cessé de jouer au cinéma et au théâtre, et qui fut redécouverte dans un rôle à sa mesure grâce à Amour (2012), de Michael Haneke, revient sur sa vie, ses origines vosgiennes modestes, sa rencontre avec Resnais, qu’elle voiturait dans sa petite 4 CV, et sur les rôles qui, à la scène comme à l’écran, ont marqué sa carrière.

Cette simple conversation, filmée à Remiremont (Vosges), dans la maison familiale, illustrée de nombreux documents d’archives, la montre toujours rayonnante, même si de nombreuses remarques mélancoliques sur le temps qui passe rappellent que cette toujours magnifique femme à la voix claire et rieuse approche de sa 90e année. Emmanuelle Riva dit notamment de ses « yeux vert pailleté », hérités de son père, que « les paillettes sont tombées avec l’âge » et que « la mort est ingénue, comme la naissance. » C’est magnifique, pudique, intelligent et d’une très jolie tonicité. Renaud Machart

« Emmanuelle Riva, c’est ton nom », de Michelle Porte (France, 2016, 60 minutes). Sur Ciné + classic/Canal+ à la demande, jusqu’au 3 février 2017.

Erdogan, du démocrate au despote

Le président Recep Tayyip Erdogan (au centre) s’est rendu au mausolée de Mustafa Kemal Atatürk, pour le 78e anniversaire de sa mort, à Ankara, le 10 novembre. | BURHAN OZBILICI / AP

Le paradoxe en dit long : lorsque Recep Tayyip Erdogan se revendiquait ­démocrate et défenseur des libertés, la plupart des responsables occidentaux le snobaient. Aujourd’hui que le président turc vire au despote, on se montre tolérant. Ainsi, Angela Merkel, crise des migrants oblige, s’est rendue en Turquie ces dix derniers mois autant de fois que lors des dix années précédentes !

Gilles Cayatte et Guillaume Perrier signent un documentaire instructif sur le président turc. Un personnage complexe, habile, dangereux, qu’ils tentent de percer à jour à l’aide de témoignages (journalistes, psychiatre, politiciens) et d’images d’archives. Depuis son enfance modeste jusqu’au sommet de l’Etat, en passant par la mairie d’Istanbul et le poste de premier ministre, la trajectoire d’Erdogan, jeune militant sanguin passé de sauveur de la nation à fossoyeur de la démocratie, est décortiquée.

Outre l’entretien exclusif avec Fethullah Gülen, son ancien allié devenu ennemi juré, l’un des aspects les plus intéressants de ce film concerne les relations conflictuelles entre Erdogan et l’armée. En février 1997, un coup d’Etat militaire entraîne une vaste purge dans les milieux islamistes. Déchu de son mandat de maire, Erdogan passera trois mois en prison. De là naîtra, selon les auteurs, une rancune tenace contre les militaires. « Ce n’est pas un intellectuel, mais un formidable animal politique. Il anticipe les menaces et les risques », résume un journaliste. Alain Constant

« Erdogan, l’ivresse du pouvoir », de Gilles Cayatte et Guillaume Perrier (France, 2016, 60 minutes). sur Arte + 7, jusqu’au mardi 30.

Etre athée, un sacré culot !

Dire à sa famille, au Maroc, que l’on se vit comme athée revient à prendre le risque d’être envoyé dans un asile de fous, commente l’un. Voire pire. Alors une femme qui boit, qui filme, qui ne fait que des choses interdites en plus d’être lesbienne, n’en parlons pas ! Elle s’est « débarrassée de la religion », explique-t-elle, mais se garde bien de le faire savoir…

Jamais à court de pépites, Arte Radio vient de lancer sur son site « Athées à la menthe » un ensemble de deux documentaires assez hallucinants sur ce qu’être athée veut dire en pays musulman. Ilham Maad a enregistré le premier document au Maroc (Mes parents ne savent pas que je suis athée), Marine Vlahovic s’est cachée pour tourner le second, en Algérie (Se cacher pour ne pas croire), et toutes deux livrent, en moins de quinze minutes chaque fois, le témoignage de femmes et d’hommes expliquant comment ils en sont venus à l’athéisme… et les risques qu’ils courent à se revendiquer laïques. Martine Delahaye

« Athées à la menthe (marocaine) », d’Ilham Maad, et « Athées à la menthe (algérienne) », de Marine Vlahovic, sur Arteradio.com