Tony Blair et John Major sur le pont de la Paix, à Derry, en Irlande, le 9 juin 2016. | JEFF J MITCHELL / AFP

Les 48,1 % des Britanniques qui ont voté en juin pour que leur pays reste dans l’Union européenne ont si peu de porte-parole que les espoirs de « second référendum » soulevés par deux anciens premiers ministres, même politiquement démonétisés, leur feront chaud au cœur.

Prenant la parole, jeudi 24 novembre, l’ex-premier ministre conservateur John Major a jugé « parfaitement crédible » l’idée d’une deuxième consultation sur le Brexit. « J’entends l’argument selon lequel les 48 % des gens qui ont voté pour rester [dans l’UE] ne devraient pas avoir leur mot à dire dans ce qui se passe, a déclaré M. Major, un fervent partisan de l’Europe. Je trouve cela très difficile à accepter. La tyrannie de la majorité ne devrait pas s’exercer dans une démocratie. »

Intervenant pour la première fois depuis le vote, John Major, hôte du 10 Downing Street de 1990 à 1997, a dit admettre que le Royaume-Uni n’allait pas rester membre à part entière de l’UE. Mais il a fait part de son espoir qu’un accord pourrait être trouvé pour que le pays demeure aussi proche que possible du marché unique européen, qu’il a qualifié de « plus riche marché que l’humanité ait jamais connu ». M. Major, 73 ans, qui s’est battu dans les années 1990 contre les eurosceptiques de son parti, est une voix prestigieuse des tories, mais ne détient plus aucun mandat électif.

L’hebdomadaire de gauche The New Statesman a publié, vendredi, un long entretien avec l’ex-premier ministre travailliste Tony Blair (1997-2007). M. Blair estime qu’« il est encore possible d’arrêter le Brexit si le peuple britannique le décide après avoir vu ce qu’il implique réellement ». « Je ne dis pas qu’il sera arrêté mais que c’est possible », déclare-t-il. Selon lui, soit Londres obtient l’accès au marché unique en acceptant les règles de l’UE en matière d’immigration, de participation au budget et de soumission à la Cour de justice, et alors « les gens pourraient se dire : “Attendez, pourquoi partons-nous alors ?” » Soit le Royaume-Uni quitte le marché unique et « le prix économique pourrait être très élevé ».

Très impopulaire pour avoir entraîné son pays dans la guerre en Irak, à la suite du président américain, George W. Bush, sur la base de mensonges et pour ses affaires juteuses, où il monnaie son influence, M. Blair, 63 ans, affirme dans The New Statesman qu’il n’a pas l’intention de mener la résistance au Brexit, mais simplement de participer à la vie publique. Il en profite pour démentir les propos que vient de lui attribuer le Sunday Times, selon lesquels il aurait qualifié de « cinglé » le leader travailliste Jeremy Corbyn et de « poids plume » la première ministre conservatrice Theresa May.

Cacophonie des travaillistes

Au même moment, l’Europe durcit le ton. Dans un entretien à la BBC, Joseph Muscat, le premier ministre de Malte, membre du Commonwealth, traditionnel allié de Londres dans l’UE et titulaire de la présidence tournante en janvier 2017, a estimé, vendredi, qu’« il est impossible que le Royaume-Uni obtienne un accord plus favorable que celui qu’il a aujourd’hui ».

John Major et Tony Blair ont pris la parole au lendemain d’annonces budgétaires qui ont souligné le coût important du Brexit, qui va obliger l’Etat à emprunter 59 milliards de livres supplémentaires (69,4 milliards d’euros) en cinq ans. Simultanément, plusieurs études montrent que le ralentissement économique lié à la sortie de l’UE va se traduire par une stagnation des salaires pendant au moins cinq ans et une perte de pouvoir d’achat des ménages les moins favorisés.

Mais le Parti travailliste, bousculé par les succès du Brexit dans ses circonscriptions, partagé entre l’euroscepticisme implicite de son leader, Jeremy Corbyn, et l’europhilie de ses députés, émet une terrible cacophonie. Seul le petit parti libéral-démocrate, farouchement pro-européen, réclame un second référendum. 22 % des Britanniques seulement soutiennent cette perspective, selon un sondage YouGov. Le gouvernement de Theresa May ne s’en tire pas bien pour autant : 52 % des personnes interrogées estiment qu’il négocie mal le Brexit.