Paris-Saint-Germain : 25 millions de « followers » sur Facebook ; Barcelone : 95 millions ; Bayern de Munich : 40 millions. De prime abord, les réseaux sociaux sont du pain bénit pour les grands clubs de football. Voilà une occasion parfaite pour ces machines à marketing parfaitement huilées d’entrer en contact direct avec leurs supporteurs, à moindres frais.

Mais la bonne affaire n’est pas forcément pour eux. Cette énorme activité rapporte essentiellement de la publicité… à Facebook, qui engrange les bénéfices sonnants et trébuchants des centaines de millions de fans à travers le monde, grâce à la publicité générée. Pire encore, l’algorithme du réseau social n’est pas contrôlé par les clubs. En moyenne, seuls 15 % de ce que ceux-ci publient par ce biais sont effectivement reçus par les supporteurs. Facebook a tendance à mettre en avant d’autres contenus, différents selon l’activité de chaque utilisateur.

Un réseau social spécialisé sur le football

C’est à partir de ce constat que vingt-sept clubs européens lancent, lundi 28 novembre, Dugout, une sorte de Facebook des supporteurs. Celui-ci se veut un réseau social spécialisé sur le football. La majorité des grands clubs européens a signé : en France, le Paris-Saint-Germain, Monaco et l’Olympique de Marseille ; en Angleterre, Arsenal, Chelsea, Liverpool et Manchester City ; en Espagne, Barcelone, le Real de Madrid et l’Atletico Madrid ; en Allemagne, le Bayern de Munich ; en Italie, l’AC Milan et la Juventus… Soixante-douze joueurs font aussi partie du plan de lancement, dont le Gallois du Real Madrid Gareth Bale et les joueurs du PSG Edison Cavani et Angel di Maria.

Le projet est l’idée d’Elliot Richardson. Mâchoire carrée, ne souffrant guère la contradiction, le Britannique est avant tout un financier, qui a autrefois été un haut cadre dirigeant de la compagnie de réassurances Aon Benfield. Supporteur de toujours d’Arsenal (« Même si les résultats de ces dernières années ont été moins bons, je reste un grand fan d’Arsène Wenger », assure-t-il diplomatiquement), il a lancé ce projet voilà deux ans et demi. « Les clubs n’avaient pas trouvé une façon de monétiser l’interaction qu’ils ont réussi à mettre en place avec leurs fans. Il y avait un trou dans le marché », assure-t-il depuis ses bureaux situés dans le quartier de Soho, au cœur de Londres. Il a proposé aux clubs un partage moitié-moitié des revenus générés par le projet. Visiblement, l’opportunité a séduit les dirigeants des équipes, ainsi que les publicitaires : Coca-Cola et Allianz font partie des annonceurs pour le lancement.

Pas très interactif

Sur smartphone, tablette ou ordinateur, Dugout présente les caractéristiques habituelles du réseau social. Chaque utilisateur peut suivre les équipes qu’il souhaite. Il reçoit alors des informations et des vidéos sur ses clubs et ses joueurs préférés, qu’il peut partager et commenter. Une partie du contenu sera exclusif, comme ces vidéos mettant en scène des joueurs contrôlant autant que possible des ballons projetés à 130 km/h par des machines d’entraînement. Dugout montrera peu d’actions des matchs (« les droits de retransmission sont extrêmement compliqués »), mais plutôt des coulisses : séances d’entraînement, interviews de joueurs, conseils nutritionnels pour sportifs…

Le pari est cependant loin d’être gagné. Les grands réseaux sociaux, de Facebook à Twitter, ont pris beaucoup d’avance et les clubs n’ont pas l’intention de délaisser ces plateformes. « Dugout sera complémentaire », assure M. Richardson. Ce nouveau réseau social ne semble également pas très interactif : les utilisateurs ne peuvent pas se suivre les uns les autres, et le contenu est très centralisé et contrôlé.

Nouvelle façon de consommer le football

Mais M. Richardson entend surfer sur la nouvelle façon de consommer le football chez les jeunes générations. Il a fait réaliser une étude auprès de 24 000 supporteurs, qui révèle que chacun suit en moyenne 4,6 équipes, dépassant largement les frontières. « Avec le développement des droits de retransmission à l’étranger, il est courant que les jeunes suivent plusieurs clubs. En Angleterre, le Real de Madrid et Barcelone sont les 6e et 7e équipes qui ont le plus de supporteurs. »

M. Richardson lorgne aussi sur l’énorme potentiel des pays émergents. « Rien qu’en Indonésie, il y a 34 millions de supporteurs de football, souligne-t-il. Le Bayern a plus de supporteurs en Egypte qu’en Allemagne ! » Lancé en cinq langues européennes, dont le français, le réseau social sera traduit début 2017 dans d’autres langues, dont l’arabe et le chinois. « Nos vingt-sept clubs représentent une base de 700 millions de supporteurs », annonce M. Richardson, gourmand.