La police patrouille à Sydney, le 24 septembre 2014, après qu’un homme a poignardé deux policiers possiblement à l’invitation du djihadiste Neil Prakash. | PETER PARKS / AFP

L’annonce a été faite samedi 26 novembre, à la grande surprise des Australiens qui le croyaient mort : « Le plus dangereux des Australiens combattant avec l’Etat islamique » a été arrêté, a déclaré Canberra. Neil Prakash, parti au djihad en 2013, est détenu par les autorités turques depuis « plusieurs semaines ». En mai, le gouvernement avait déclaré qu’il avait été tué dans une frappe aérienne américaine à Mossoul, en Irak. Les autorités avaient toutefois souligné qu’il était très compliqué d’obtenir des informations sûres en provenance de ces zones de conflit. Et de fait, selon le New York Times dans un article publié jeudi, Neil Prakash avait été blessé mais avait survécu.

Le combattant, accusé notamment d’avoir été un influent recruteur de l’organisation Etat islamique (EI), aurait été arrêté en Turquie grâce à des renseignements de Canberra. Selon des médias australiens, il cherchait à fuir l’Irak et voyageait avec de faux documents. L’arrestation a été « le résultat d’une étroite collaboration entre les autorités australiennes et turques », indique le gouvernement. Aucune précision n’est donnée sur les conditions de l’arrestation et sur le temps exact que l’homme de 24 ans a déjà passé en détention en Turquie. Canberra a envoyé une demande officielle d’extradition et promet de travailler « étroitement » avec Ankara dans ce processus.

Faire davantage que « juste prier »

Les Australiens connaissent bien le visage de Neil Prakash, si souvent en « une » des journaux. Le jeune homme brun aux traits fins, originaire du Cambodge et des Fidji, a grandi à Melbourne. Il a été décrit comme petit délinquant, rêvant d’une carrière dans le rap. Ce bouddhiste s’est converti à l’islam en 2012, après un voyage familial au Cambodge où il a vu des gens « prier et pleurer devant des statues », raconte-t-il dans une vidéo de propagande de l’EI. « Ça n’a aucun sens », aurait-il dit à sa mère. Des rencontres avec des musulmans radicalisés l’auraient aidé à faire le pas. Il a fréquenté le centre d’études islamiques Al-Furqan, dans la banlieue de Melbourne, qui a fermé en 2014 après l’arrestation de plusieurs de ses membres accusés d’être impliqués dans des projets terroristes. A peine un an après sa conversion, il s’est envolé pour le Moyen-Orient, jugeant qu’il pouvait faire davantage pour l’islam que « juste prier ».

Il n’a pas tardé à se faire connaître dans les rangs de l’EI sous son nom de guerre Abou Khaled Al-Cambodi. Il est accusé d’avoir été lié à plusieurs tentatives d’attaques sur le sol australien. En septembre 2014, il aurait incité un jeune de 18 ans à s’en prendre à des policiers : celui-ci a été tué après avoir poignardé deux agents devant un commissariat de Melbourne. En avril 2015, il aurait été impliqué dans un projet visant à décapiter un policier. En août 2015, un mandat d’arrêt a été lancé contre lui, et il a fait l’objet de sanctions financières : quiconque lui apportait un « soutien matériel » encourait jusqu’à 10 ans de prison.

« La légion » selon le FBI

Neil Prakash, qui est apparu dans plusieurs vidéos de propagande de l’EI, aurait été un recruteur de première catégorie. Il s’est servi d’Internet « pour promouvoir l’idéologie maléfique » de l’EI et pour « recruter des Australiens, hommes, femmes et enfants, dont plusieurs se trouvent actuellement dans la zone de conflit irako-syrienne ou bien y ont été tués », déclarait en mai le premier ministre Malcolm Turnbull. Il ne visait pas seulement les Australiens : il aurait fait partie d’une cellule anglophone, très efficace sur les réseaux sociaux, ayant pour objectif de radicaliser des Occidentaux pour les inciter à commettre des attaques. Ce groupe a été baptisé « la légion » par le FBI, selon le New York Times. Neil Prakash figurait à ce titre sur une liste de personnes visées par des attaques de drones menées par les Etats-Unis en Irak.

Selon les services de renseignement, environ 110 Australiens se trouvaient début 2016 au sein de l’EI au Moyen-Orient. Plusieurs autres, restés dans leur pays, seraient actifs en finançant le groupe terroriste et en organisant des recrutements. Une soixantaine de ressortissants seraient morts dans le conflit. L’Australie, qui fait partie de la coalition contre l’EI, a été menacée à plusieurs reprises par des djihadistes. L’arrestation de Neil Prakash pourrait être très utile si celui-ci est extradé et accepte de parler, espèrent des experts australiens de la lutte antiterroriste. Les Américains devraient également être intéressés, Neil Prakash ayant appelé à commettre des attaques aux Etats-Unis.