La présidente sud-coréenne, Park Geun-hye, mardi 29 novembre, à Séoul. | JEON HEON-KYUN / AFP

Empêtrée dans un scandale de trafic d’influence impliquant ses proches et les plus grands conglomérats du pays, la présidente sud-coréenne, Park Geun-hye, s’est dite prête à démissionner avant la fin de son mandat, plaçant son sort entre les mains du Parlement.

Au cours de sa troisième allocution télévisée depuis qu’a éclaté en octobre le scandale dit du « Choigate », du nom de sa plus proche confidente, Park Geun-hye a de nouveau présenté des excuses au peuple, mardi 29 novembre, pour son incapacité à contrôler son entourage. Elle a cependant soutenu n’avoir jamais cherché à s’enrichir personnellement au cours de ses dix-huit années de carrière politique, ce dont doutent ses critiques. « Quand les parlementaires auront déterminé les conditions d’une passation qui réduit la vacance du pouvoir et le chaos dans la conduite des affaires, je partirai », a ­déclaré la présidente.

L’affaire a débuté plus de quatre décennies plus tôt, par une tragédie personnelle. En 1974, Park Chung-hee, le père de l’actuelle présidente, dirige la Corée du Sud d’une main de fer, tout en mettant le pays sur la voie du développement économique. Il échappe à une tentative d’assassinat lors d’une cérémonie au Théâtre national, à Séoul, mais son épouse, la mère de Park Geun-hye, est touchée par une balle destinée à son mari et meurt quelques heures plus tard à l’hôpital.

L’année suivante, Choi Tae-min, le fondateur d’un culte baptisé Eglise de la vie éternelle, se dit ­capable de communiquer dans l’au-delà avec la défunte mère de Park Geun-hye. Il expliquera avoir transmis ses pouvoirs à sa cinquième fille, Choi Soon-sil, aujourd’hui mise en examen. Mme Park a dû démentir s’être livrée à des rites chamaniques dans la Maison Bleue, le palais présidentiel.

Choix peu stratégiques

La presse sud-coréenne a révélé en octobre comment la présidente transmettait à Mme Choi tous ses discours importants pour relecture, jusqu’à trois jours avant de les prononcer, mais aussi les documents les plus confidentiels, y compris au sujet de la très sensible Corée du Nord. Choi Soon-sil mettra cette relation intime en haut lieu à profit, invitant les géants industriels sud-coréens à financer deux de ses fondations à hauteur de l’équivalent de 61 millions d’euros. Les patrons des plus grandes entreprises du pays, de Hyundai à LG en passant par Hanjin, maison mère de la compagnie Korean Air, ont été entendus. Les enquêteurs ont notamment perquisitionné le 8 novembre les bureaux de l’empire Samsung, soupçonné d’avoir versé 2,8 millions d’euros pour financer les performances équestres de la fille de Choi Soon-sil, que sa mère rêvait en championne aux Jeux olympiques de Tokyo de 2020.

Avant même ces révélations, la présidente et son parti, le Saenuri (conservateur), étaient sortis considérablement affaiblis des élections législatives, en avril, perdant la majorité à un siège près, au profit du Parti démocrate. Elle se voyait reprocher des choix peu stratégiques. Que ce soit la fermeture en février, après le quatrième essai nucléaire réalisé par Pyongyang, d’une zone industrielle où des entreprises du riche Sud employaient des ouvriers du très fermé Nord, rare projet de coopération survivant entre les deux frères ennemis de la péninsule. Ou la signature, en décembre 2015, d’un accord par lequel Tokyo acceptait de verser l’équivalent de 8,4 millions d’euros à un fonds d’indemnisation aux dernières survivantes parmi les femmes utilisées comme esclaves sexuelles par l’armée japonaise durant l’Occupation, et qui laissait planer la possibilité de déplacer une statue commémorative érigée en face de l’ambassade nippone à Séoul.

Grand déballage

Le grand déballage sur l’influence de son amie Choi Soon-sil, après que les journalistes d’une chaîne de télévision locale, JTBC, ont récupéré une tablette numérique lui ayant appartenu, a poussé le peuple dans la rue. Les manifestations n’ont cessé de prendre de l’ampleur ces dernières semaines, allant jusqu’à réunir 1,3 million de personnes selon les organisateurs (260 000 selon la police) dans les rues du centre de Séoul samedi, soit le plus important rassemblement du pays depuis la transition démocratique de la fin des années 1980.

Jusqu’au sein de son propre camp, les appels à la démission de la présidente ou à l’abandon de l’essentiel de ses prérogatives et à la mise en place d’un gouvernement politiquement neutre jusqu’aux élections prévues en décembre 2017 se sont multipliés. Park Geun-hye avait d’abord déclaré vouloir répondre aux enquêteurs, mais avait reculé ces derniers jours, ses avocats expliquant qu’elle avait besoin de temps pour préparer ses explications aux procureurs. Sa réticence avait convaincu ses désormais nombreux détracteurs au sein du Parlement d’agiter la menace d’une procédure de destitution. Une motion en ce sens aurait pu être introduite dès vendredi 2 décembre. De sorte que le temps pressait pour se résoudre à un départ plus honorable.