Bruno Kahl, le patron des services secrets allemands, et la chancelière Angela Merkel, le 28 novembre, à Berlin. | HANNIBAL HANSCHKE / AFP

A moins d’un an des élections législatives, l’Allemagne redoute une multiplication de piratages informatiques notamment en provenance de Russie pour perturber le jeu politique. « L’Europe est au centre de ces tentatives de déstabilisation et l’Allemagne tout particulièrement », a estimé, mardi 29 novembre, le directeur du renseignement extérieur allemand, Bruno Kahl, dans une interview au quotidien bavarois Süddeutsche Zeitung.

La vulnérabilité de la première puissance européenne a été une nouvelle fois démontrée lundi par le piratage des routeurs du principal opérateur du pays, Deutsche Telekom, qui a perturbé les connexions de près d’un million de foyers. Si l’origine de l’attaque n’a pas été officiellement déterminée, des sources de sécurité l’attribuent au logiciel Mirai, développé par le groupe de hackeurs russes Sofacy, selon le journal berlinois Tagesspiegel. Mirai, qui infecte d’abord un réseau d’objets domestiques connectés, allant de l’écoute-bébé aux caméras de surveillance, avant de lancer des attaques à plus grande échelle, avait déjà été utilisé pour pirater en 2015 le Bundestag, la Chambre basse du Parlement allemand. Cette offensive avait été attribuée à la Russie par les services de renseignement.

« Créer de l’incertitude politique »

Selon les experts cités par le Tagesspiegel, l’attaque contre Deutsche Telekom a sans doute « un double objectif », mettre au jour la faiblesse d’une grande entreprise tout en préparant une offensive « de plus grande ampleur », par exemple lors du sommet du G20 qui se tiendra en juin 2017 à Hambourg.

Il existe aussi des « indications selon lesquelles des cyberattaques se produisent dans le seul but de créer de l’incertitude politique », a de son côté dit Bruno Kahl, interrogé sur les attaques qui ont frappé aussi bien l’Allemagne que les Etats-Unis en pleine campagne électorale. Le directeur des services secrets extérieurs a parlé d’« éléments » permettant de soupçonner la Russie de ces piratages.

La chancelière Angela Merkel s’était montrée plus directe au début du mois, mettant en garde contre des tentatives de désinformation et de piratages en provenance de Russie en vue des législatives, lors desquelles elle briguera un quatrième mandat. « Nous observons, dans notre monde connecté, un nombre croissant d’attaques contre les infrastructures sensibles, ainsi que des cas de cyberespionnage », soulignait-elle encore lundi, mettant en garde contre un « potentiel considérable de menace ».

Organiser la riposte

Plusieurs partis politiques allemands, dont la formation conservatrice de Mme Merkel, ont fait l’objet cet été de cyberattaques attribuées à des hackeurs pro-Kremlin, via des courriels semblant provenir « du quartier général de l’OTAN » et infectés par un logiciel espion. En mai, déjà, les services de renseignement allemands avaient accusé le gouvernement russe de piloter des campagnes internationales de cyberattaques à des fins d’espionnage et de sabotage, évoquant une « guerre hybride » orchestrée par Moscou depuis « sept à onze ans ».

Le ministère de la défense a annoncé au début d’octobre la création d’un cyberdépartement destiné à organiser la riposte, comprenant 130 fonctionnaires répartis entre Bonn et Berlin.

Les médias allemands soupçonnent notamment Moscou de chercher à influencer la vie politique allemande à travers les 3,2 millions de ressortissants des ex-républiques soviétiques arrivés en Allemagne après l’éclatement du bloc de l’Est, et qui disposent pour la plupart de la nationalité allemande.