Rocco Siffredi sur le tournage d’un de ses films. | Emmanuel Guionet

Pendant deux ans, nous avons suivi Rocco Siffredi. Dans nos précédents documentaires (comme Relève, sur Benjamin Millepied, sorti en septembre), nous n’avions pas été confrontés à quelqu’un qui se donnait autant, qui ouvrait les vannes. Il ne regrette jamais ce qu’il a pu dire face caméra. Du coup, il a ouvert les portes de sa maison, nous a présentés à sa femme, à ses fils adolescents. Nous avons eu deux cents heures de rushes, pendant lesquelles Rocco parle de tout. Certains sujets le mettent mal à l’aise, mais cela ne l’arrête pas. À plusieurs moments, alors qu’il parlait, en italien, d’épisodes très privés, nous arrêtions la traductrice pour vérifier qu’il avait bien dit ce qu’il avait dit.

« Filmer les pauses cigarettes, les douches après les scènes de sexe, les manucures des actrices, tout ce qui est vraiment intime, était de loin le plus intéressant. »

Comme il est le boss sur les tournages de ses films, et pas un simple acteur, nous y avions accès. C’est un endroit étrange pendant les scènes, mais calme le reste du temps. Il nous a d’abord fallu observer. Sous peine de voir le documentaire interdit aux moins de 18 ans, il nous était impossible de filmer des scènes de pénétration. Mais filmer les pauses cigarettes, les douches après les scènes de sexe, les manucures des actrices, tout ce qui est vraiment intime, était de loin le plus intéressant.

On a timidement demandé l’autorisation aux hardeurs, et ça les a surpris. C’est comme si on mendiait à un pianiste le droit de filmer ses mains. Le curseur de leur intimité est différent du nôtre. C’est un univers très dur, et quelques images des bleus sur les corps des actrices, de leur fatigue suffisent à en montrer la violence. Même dans ce milieu, Rocco Siffredi est hors norme. La plupart des hardeurs ne tournent que quelques années, lui a tenu trente ans. Il en vit, et en souffre. Quand il a vu le film, il nous a dit avoir eu l’impression de voir le portrait de son âme.

« Rocco », de Thierry Demaizière et Alban Teurlai (1 h 43). En salles le 30 novembre.