Film sur Arte à 20 h 55

LE PROCES DE VIVIANE AMSALEM - Bande Annonce
Durée : 01:47

Voilà trois ans que Viviane Amsalem, la quarantaine, demande le divorce au prétexte qu’elle n’aime plus son mari. Et que ce dernier, Elisha, le lui refuse, arguant qu’il l’aime toujours… Tout cela serait d’une grande banalité si cette crise conjugale n’avait pour cadre Israël, pays où il revient à un tribunal rabbinique de prononcer la dissolution d’un mariage. Avec cette contrainte supplémentaire : le divorce ne peut se faire qu’avec le consentement de l’époux.

C’est le récit de cette longue procédure – plusieurs années au total – que proposent Ronit et Shlomi Elkabetz dans Le Procès de Viviane Amsalem. Ces deux cinéastes, frère et sœur dans la vie, avaient déjà réalisé ensemble deux films, Prendre femme et Les Sept Jours, dans lesquels apparaissait déjà le personnage de Viviane (interprété par Ronit Elkabetz).

S’inscrivant fortement dans la réalité israélienne, Le Procès de Viviane Amsalem est à classer parmi les films de procès, aux côtés d’œuvres telles que Douze hommes en colère (Sidney Lumet) ou Du silence et des ombres (Robert Mulligan). Même unité de lieu – ici, une minuscule salle d’audience dans laquelle vont prendre place, outre Viviane et Elisha, leurs deux avocats, les trois juges, un greffier et différents témoins ; même acuité dans l’analyse du fonctionnement de la justice.

Le poids du droit des hommes

Passionnant, Le Procès de Viviane Amsalem est un film à la fois mystérieux et oppressant. Quel est ce couple qui vient se déchirer devant ces juges ? Quelle est son histoire ? D’interrogatoire en interrogatoire, de témoignage en témoignage, une réalité, banale et quotidienne, se fait jour, révélant bien des points aveugles de la société israélienne. L’oppression, quant à elle, surgit de la position occupée par Viviane, dont la parole compte moins que celle d’un homme. Déterminée, tout en rage contenue, elle s’efforce de garder son calme, de ne rien laisser paraître de l’humiliation que représente pour elle ce procès kafkaïen.

L’évidence est là, monstrueuse : le droit est en faveur d’Elisha. Quoi que dise Viviane, quoi qu’elle révèle de la réalité de son existence au côté de cet homme, elle est forcément, sinon la coupable, du moins l’accusée, en ce qu’elle va contre le commandement sacré de préserver le « foyer juif ». Elle aura beau dire, les rabbins seront toujours, a priori, du côté d’Elisha.

Ronit Elkabetz et Menashe Noy dans « Le Procès de Viviane Amsalem ». | © AMIT BERLOWITZ

C’est là un autre aspect passionnant de ce film, de montrer le fonctionnement d’un tribunal rabbinique. Ici, seules les règles énoncées dans la ketoubbah (le contrat de mariage) ont force de loi ; seul l’époux, avec le consentement du tribunal, peut donner le get, l’acte de divorce, à sa femme. Celle-ci, tant qu’elle n’a pas formellement divorcé, ne peut refonder un foyer.

Les années passent, Elisha s’obstine à ne pas vouloir divorcer. Les mots, alternativement en hébreu, en français et en arabe, ont peu d’importance. Interpellés par ces trois juges un rien voyeurs, les époux démontrent plus qu’ils n’avouent leur incapacité à communiquer entre eux. Le face-à-face vire au duel, un duel au sein duquel la vie de tous les jours ne semble plus avoir sa place.

On a évoqué le rôle des juges, il faut également parler des deux avocats. L’un, le frère d’Elisha, est une sorte de sous-rabbin madré. L’autre, plus progressiste, est en proie comme sa cliente à une envie furieuse d’en découdre avec cette loi qui tend à « emprisonner à vie » les femmes exprimant simplement leur désir de vivre.

Le Procès de Viviane Amsalem, de Ronit et Shlomi Elkabetz. Avec Ronit Elkabetz, Simon Abkarian (Israël, 2014, 115 min).