En mars et avril, la Grande Barrière de corail a été victime du pire épisode de blanchissement de coraux jamais enregistré. | TORY CHASE / AFP

L’année 2016 s’est avérée catastrophique pour la Grande Barrière de corail, au large de l’Etat du Queensland, dans le nord-est de l’Australie. En mars et avril, elle a été victime du pire épisode de blanchissement de coraux jamais enregistré. Un phénomène provoqué par la hausse de la température de l’eau. Les scientifiques étaient peu optimistes, mais espéraient que des coraux pourraient s’en remettre et survivre. On sait désormais que la partie nord de la Grande Barrière a été dévastée sur 700 kilomètres : elle a perdu en moyenne 67 % de ses coraux en quelques mois, selon le Centre d’excellence pour les études sur les récifs coralliens de l’université James-Cook dans le Queensland.

« Dans les zones les plus affectées, les coraux qui étaient très colorés sont devenus très blancs lors du blanchissement. Ceux qui sont morts sont maintenant ternes, marrons. Ce ne sont plus que des squelettes et on se croirait dans un cimetière », décrit Terry Hughes, directeur de ce centre de recherche. La partie nord de la Grande Barrière est la plus touchée. Il y a un an encore, elle était au contraire la plus intacte, car elle se trouve au large d’une zone peu habitée et donc à l’écart des activités humaines comme l’agriculture. A Lizard Island, où travaillent des chercheurs venus du monde entier, entre 75 % et 90 % des coraux sont morts.

Quatrième épisode de blanchissement ?

La Grande Barrière de corail, longue de 2 300 km, est le plus grand ensemble corallien du monde. Elle est inscrite au Patrimoine mondial de l’humanité. Avec la mort des coraux, de nombreux animaux perdent leur habitat, ce qui affecte l’ensemble de l’écosystème. Par chance, le blanchissement n’a pas touché aussi violemment les parties centrale et méridionale de la Grande Barrière, par ailleurs les plus touristiques. En moyenne, 6 % des coraux blanchis sont morts au centre et seulement 1 % dans le sud, selon le centre de recherche.

Le blanchissement est dû à une hausse durable de la température de l’eau. Au nord, elle a atteint des records : jusqu’à deux degrés de plus que les températures maximales estivales, selon Terry Hughes. Cette hausse provoque l’expulsion par les coraux des algues qui leur donnent leur couleur et leurs nutriments. Le premier épisode de blanchissement à grande échelle a eu lieu en 1998 et le second en 2002. Le réchauffement climatique est accusé d’être à l’origine de ce phénomène, aussi bien par les ONG, les scientifiques que le gouvernement australien. Il faudra au moins dix ou quinze ans pour que de nouveaux coraux remplacent ceux qui n’ont pas survécu au blanchissement, selon les scientifiques. Mais un quatrième épisode de blanchissement pourrait compromettre ce long processus.

La Grande Barrière ne souffre pas seulement du blanchissement : elle a déjà perdu la moitié de ses coraux en trente ans, principalement dans le sud et le centre. Les activités agricoles nuisent à la qualité de l’eau, à cause de l’écoulement des engrais dans la mer. Cela favorise le développement d’une étoile de mer invasive, l’acanthaster, qui fait des ravages dans les récifs coralliens.

Insatisfaction

La Grande Barrière de corail attire jusqu’à 2 millions de touristes par an et rapporte environ 5 milliards de dollars australiens (3,5 milliards d’euros) chaque année. L’Australie s’est engagée en 2015 à protéger ce joyau dans un plan qui prévoit toute une série d’actions d’ici à 2050. Plus de 2 milliards de dollars devraient être investis avant 2025, notamment pour améliorer la qualité de l’eau. Mais cela ne satisfait pas les scientifiques et les ONG.

Ils reprochent à ce plan de ne pas répondre à la première menace pesant sur la Grande Barrière : le changement climatique. « Nous pensons qu’un plan crédible doit d’abord s’attaquer au réchauffement climatique. Cela commence par une interdiction des mines de charbon », a déclaré Shani Tager, de Greenpeace. Mais l’Australie, deuxième exportateur mondial de charbon, continue de défendre la plus polluante des énergies fossiles. Canberra devrait exposer son plan à l’Unesco, jeudi 1er décembre, pour informer l’agence onusienne des progrès réalisés. En juillet 2015, la Grande Barrière de corail avait évité de justesse un classement dans le « patrimoine en péril » de l’Unesco. Mais c’était avant cette année noire.