C’est l’histoire d’une conquête. Une offensive parfaitement préparée, conduite sans états d’âme, qui a porté en quelques années Matteo Renzi de l’anonymat au pouvoir suprême, des querelles feutrées du petit monde politique toscan au grand théâtre des sommets européens.

Giuliano da Empoli a été aux premières loges de cette aventure. Ancien adjoint à la culture du maire de Florence, ex-conseiller politique du premier ministre italien, dont il est resté proche, il dirige aujourd’hui le think tank Volta, entre Milan et Bruxelles. Dans Le Florentin, il livre une analyse, empathique mais éclairante, des ressorts qui ont permis à Matteo Renzi de conquérir le pouvoir en 2014, à moins de 40 ans, à l’heure où le premier ministre italien, engagé dans un périlleux référendum constitutionnel, joue sa survie politique.

Tout commence par une mue. Celle qui allait transformer un jeune homme, « apparemment inoffensif, vêtu de complets trop grands pour lui », ayant fait ses premiers pas à la télévision dans la version italienne de « La Roue de la fortune », en terreur de la gauche italienne. Elu à la tête de la province de Florence à 29 ans – un poste sans prérogatives réelles, dont les notables de la gauche toscane se désintéressaient souverainement –, Matteo Renzi a commencé sa carrière dans le décor du Palazzo Medici, au cœur de la Florence touristique, travaillant chaque jour dans un bureau qui avait été, six siècles plus tôt, celui de Côme l’Ancien. Tout sauf un décor qui vous donnerait envie de changer la vie, surtout dans un pays qui « n’a jamais produit de révolution qui dure plus de deux semaines ». D’autant plus que le jeune homme, issu d’un milieu démocrate-chrétien et passé par le scoutisme, n’a vraiment pas les dehors d’un boutefeu.

une ascension implacable

Pourtant, en moins de dix ans, il va parvenir à renverser tout sur son passage, avec des méthodes devant moins au Prince de Machiavel qu’à l’univers de la série House of Cards, en s’appuyant sur sa déjà longue expérience du rapport de force et une énergie que lui reconnaissent même ses plus sévères contempteurs.

Le Florentin est le récit de cette ascension implacable, fondée sur deux intuitions : la vanité d’une critique incantatoire du berlusconisme – « Quand le Parti démocrate fait l’analyse du vote, nous donnons toujours l’impression d’analyser la raison pour laquelle les électeurs se sont trompés », écrivait-il en 2006 − et l’absolue nécessité d’apporter une réponse à la colère populaire contre les privilèges d’une « caste » politique endormie et inefficace.

A la veille d’un référendum censé répondre à cette dernière question, Matteo Renzi a mis son sort dans la balance. Nouvelle rodomontade ou simple volonté de s’en aller s’il est désavoué ? A cette question, l’auteur ne répond pas directement. Mais le portrait qu’il dresse de Matteo Renzi laisse peu de place au doute. Le 5 décembre au matin, en cas de victoire du non, il risque d’y avoir un grand vide au sommet de l’Etat italien.

Le Florentin, l’art de gouverner selon Matteo Renzi,
de Giuliano da Empoli,
Ed. Grasset, 210 pages, 18 €.