Boutique AT&T, à New York. | KENA BETANCUR / AFP

En lançant, mercredi 30 novembre, un nouveau service de télévision en ligne, l’opérateur américain AT&T a ravivé les craintes des partisans de la neutralité du Net. Ce principe, qui assure une égalité de traitement entre tous les acteurs du Web, est considéré comme un fondement d’Internet. Mais aux Etats-Unis, son avenir s’inscrit en pointillé depuis la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle.

Baptisée DirecTV Now, l’offre d’AT & T permet de regarder entre 60 et 120 chaînes sur une télévision – par l’intermédiaire d’un boîtier comme l’Apple TV ou la Fire TV d’Amazon –, un ordinateur, un smartphone ou une tablette.

Elle constitue une rupture par rapport au modèle traditionnel, qui requiert un abonnement auprès d’un câblo-opérateur fournissant à la fois l’accès à Internet et la télévision et dont le montant peut rapidement dépasser les 100 dollars (94 euros) par mois. DirecTV Now est proposé à partir de 35 dollars.

AT&T met en avant un deuxième atout : les données consommées pour regarder ces chaînes ne seront pas décomptées du forfait de ses 130 millions de clients mobiles. « Cela représente une distorsion de concurrence », estime Ernesto Falcon de l’Electronic Frontier Foundation, une association américaine de défense des libertés numériques. Les services concurrents, comme Sling TV et PlayStation Vue de Sony, ne bénéficieront pas du même traitement de faveur. Et seront donc commercialement pénalisés.

Changement de cap avec Trump

Cette pratique – dite du « zero rating » – est « contraire à la neutralité du Net », poursuit M. Falcon, car elle avantage les services des opérateurs mobiles ou ceux des entreprises qui accepteront de payer à la place du client la consommation des données. De plus en plus utilisée, elle n’est pas interdite par la Federal Communications Commission (FCC), le gendarme américain des télécoms, mais celle-ci se réserve simplement le droit d’étudier les dossiers au cas par cas.

Dans un courrier adressé le 10 novembre à AT&T, il exprimait des « doutes sérieux », craignant que la nouvelle offre « n’entrave la compétition au détriment des consommateurs ». Les responsables actuels de la FCC ne pourront cependant pas agir : ils seront remplacés en janvier, après la prise de fonction de M. Trump. Leurs successeurs pourraient être bien plus conciliants. Et le « zero rating » se généraliser.

Plus globalement, « la future administration Trump donne l’impression de vouloir supprimer l’ensemble des règles », redoute M. Falcon. L’identité du futur directeur de la FCC n’est pas encore connue, mais le président élu a déjà nommé, au sein de son équipe de transition, trois conseillers réputés être de fervents partisans de la dérégulation du secteur. Pour M. Falcon, il est ainsi « peu probable que la FCC se penche sur DirecTV Now ».

L’an passé, au terme de longs débats, le gendarme des télécoms avait adopté un nouveau cadre réglementaire. Celui-ci garantissait le principe de la neutralité du Net en interdisant la création de « voies prioritaires » plus rapides mais payantes. L’objectif était d’éviter la création d’un Web à deux vitesses. « Une attaque d’Obama sur Internet », estimait alors M. Trump.