Le candidat à la primaire de la gauche, Arnaud Montebourg, le 28 novembre, dans son QG de campagne du 15e arrondissement de Paris. | OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR LE MONDE

Tout ça pour ça ? Durant le quinquennat, les députés socialistes dits frondeurs ont agité le Landerneau politique, appelant à la mobilisation contre le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), adopté sans prévenir par le gouvernement, ou contre la loi El-Khomri qui, selon eux, mettait à bas des années de conquêtes sociales.

En mai puis en juillet, cette cinquantaine de parlementaires situés à l’aile gauche du Parti socialiste (PS) a même tenté de déposer une motion de censure contre le gouvernement. Sans succès : les deux fois, ils n’ont pas réussi à rassembler les 58 députés nécessaires.

S’ils ont présenté un front à peu près solidaire durant cinq ans contre la politique « social-libérale » menée par François Hollande, les frondeurs partent aujourd’hui en ordre dispersé dans la campagne pour la présidentielle.

Alors que s’ouvre, jeudi 1er décembre, la période de dépôt des candidatures à la primaire de la gauche, qui se terminera le 15 décembre, ils n’ont pas réussi à s’entendre pour soutenir le même candidat : selon les décomptes, ils sont à peu près autant à s’être ralliés à Benoît Hamon qu’à Arnaud Montebourg, tous deux en lice pour représenter le PS à la présidentielle de 2017.

Mercredi 30 novembre, l’ancien ministre de l’économie a ainsi reçu l’appui du chef de file des frondeurs, Christian Paul. « L’inventaire lucide du quinquennat ne permet pas la réunion des gauches et des écologistes autour du président de la République, a justifié le député de la Nièvre dans un communiqué. C’est pourquoi nous devons donner de la force collective à un candidat qui sache rassembler, par son projet, sans abandonner nos idéaux humanistes, ni céder à la démagogie. »

Une alliance de circonstance

Ce soutien, qui était attendu, n’impressionne pas le camp Hamon, où l’on met en avant ses propres ralliements. Le 18 novembre, l’ex-ministre de l’éducation nationale puis de l’économie sociale et solidaire avait dévoilé une liste de dix-neuf parlementaires décidés à le soutenir à la primaire, parmi lesquels les députés Pascal Cherki (Paris), Régis Juanico (Loire) ou Mathieu Hanotin (Seine-Saint-Denis).

« La majorité des élus de la motion B sont derrière nous », avait alors assuré l’entourage de M. Hamon, en référence au congrès de Poitiers, où les socialistes s’étaient affrontés en juin 2015 pour déterminer la ligne du PS après le revers des élections départementales. La motion A défendue par Jean-Christophe Cambadélis, l’actuel premier secrétaire, avait recueilli 60 % des suffrages des militants, contre 28,5 % pour la motion B de Christian Paul et 9,5 % pour la motion C de La Fabrique, un courant à mi-chemin entre le gouvernement et les frondeurs, incarné par Karine Berger, députée des Hautes-Alpes.

A écouter les « kremlinologues » du PS, que les frondeurs s’égaillent à la vue de la primaire comme des étourneaux à celle d’un champ d’automne fraîchement labouré n’a rien de surprenant. « Ils se sont constitués en opposition à la dérive libérale du gouvernement, c’est une alliance de circonstance. Il n’est pas anormal qu’ils ne suivent pas le même candidat », explique un bon connaisseur des arcanes socialistes. De plus, il ne peut exister de discipline de vote et de soutien parmi eux puisqu’ils ne sont pas constitués en groupe en tant que tel.

« Stratégie du râteau »

Néanmoins, certains parmi ces frondeurs s’inquiètent de la lutte entamée entre MM. Hamon et Montebourg et des excès que celle-ci pourrait entraîner d’ici au 29 janvier, date du second tour de la primaire. « Nous pouvons avoir des divergences, mais elles sont secondaires par rapport à l’opposition à la politique menée par François Hollande et Manuel Valls, met en garde Laurent Baumel, député d’Indre-et-Loire et partisan déclaré de l’ancien ministre de l’économie. L’important, c’est d’être rassemblés pour le second tour, il ne faut pas l’oublier. »

« Notre stratégie pour la primaire doit être celle du râteau : tout faire pour que le candidat de la gauche du PS qui arrivera en tête au premier tour fasse le plein de voix au second, abonde Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris, elle-même sur la ligne de départ. Il faut donc préparer les ralliements dès maintenant. Depuis l’été, je le dis à Hamon et à Montebourg : convergeons, convergeons, convergeons ! » Pas sûr que les impétrants y prêtent l’oreille, en tout cas pas tout de suite.