Un médecin généraliste dans un cabinet à Bordeaux, le 7 janvier 2015. | © Regis Duvignau / Reuters

La loi travail du 8 août 2016 poursuit sa finalisation. Les partenaires sociaux, réunis au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), une instance de consultation, examinent aujourd’hui le projet de décret d’application de l’article 44 sur la médecine du travail. Celui-ci avait réussi à faire l’unanimité contre lui lors de la discussion de cette loi. Le projet de décret, publié par le site Actuel-RH, qui sera applicable le 1er janvier 2017, précise les contours de cette réforme profonde. En voici les principaux points :

  • La visite d’aptitude remplacée par un entretien d’information et de prévention

Le projet prévoit de transformer la « visite d’aptitude au poste » lors de l’embauche par une « visite d’information et de prévention ». Elle devra être organisée avant la fin de la période d’essai et au plus tard trois mois après l’arrivée du salarié dans l’entreprise. Elle pourra être faite par un professionnel de santé au travail, pas forcément le médecin, qui pourra orienter vers ce dernier le salarié si nécessaire. Cette visite a pour but d’interroger le salarié sur son état de santé, de l’informer des risques éventuels auxquels son poste l’expose, de le sensibiliser aux moyens de prévention à mettre en œuvre, etc. Un dossier médical de santé au travail sera alors ouvert.

Pour les salariés exposés à des risques particuliers pour leur santé, celle de leurs collègues ou celle des personnes évoluant dans leur environnement immédiat, un suivi individuel renforcé est mis en place. Il s’agit des salariés exposés à l’amiante, au plomb, aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, etc. La visite d’information est alors remplacée par l’examen médical d’aptitude, effectué par le médecin du travail avant l’entrée en fonction du salarié.

  • Une visite médicale du salarié tous les cinq ans

Le suivi du salarié aura lieu au plus tard cinq ans après, réalisé là aussi par un professionnel de santé. Le délai est fixé par le médecin du travail qui prendra en compte « les conditions de travail, l’âge, l’état de santé du salarié ainsi que les risques auxquels il est exposé ». Les travailleurs mineurs, de nuit ou handicapés par exemple doivent ainsi être vus tous les trois ans. La périodicité maximale est de quatre ans pour les salariés occupant des postes à risques particuliers. Mais une visite intermédiaire doit être effectuée par un professionnel de santé au plus tard deux ans après celle avec le médecin du travail

Pour le docteur Alain Carré, membre représentant la CGT au COCT, « ce passage à cinq ans pour la majorité des salariés est une disposition malveillante qui risque de détruire la surveillance médicale car elle ne permettra plus au praticien d’apprécier la situation du salarié », expliquai-t-il sur le site du magazine Santé et travail. Certes, la visite à cinq ans concerne les travailleurs qui ne sont pas soumis à des risques particuliers, mais, déplore M. Carré, « avec les risques organisationnels qui impactent tout le monde du travail et qui débouchent sur les TMS [troubles musculo-squelettiques] et la souffrance psychique, c’est tout un pan du rôle de prévention primaire du médecin du travail qui sera amputé ». Et puis, « comment voulez-vous établir un climat de confiance avec les salariés si vous ne les voyez jamais ? », questionne-t-il. Du même avis, FO a annoncé qu’il votera contre ce projet de décret au COCT.

  • Apte ou inapte, la procédure de contestation modifiée

Le projet de décret modifie la procédure de contestation de l’avis d’aptitude ou d’inaptitude. Le recours à l’inspection du travail est remplacé par une procédure de saisine du conseil des prud’hommes en référé qui désignera un médecin expert. « Cette disposition n’est pas claire, estime François Desriaux, rédacteur en chef du magazine Santé et Travail. On ne sait pas sur quoi va porter le recours : est-ce sur les éléments médicaux relevés par la médecine du travail ou bien sur les difficultés d’appliquer ses préconisations pour le reclassement des salariés ? C’est un problème important car il y a de plus en plus de contestations. »

Avec ces mesures, l’objectif du gouvernement est de pallier la baisse du nombre de médecins du travail. Ils étaient 5 600 en 2015, dont 40 % étaient âgés de plus de 60 ans. Ils devraient être 2 500 d’ici 2020. D’ici août 2017, le gouvernement doit proposer des mesures visant à « renforcer l’attractivité de la carrière de médecin du travail ».