Supporteurs d'Angers lors du match face à Monaco, au stade Jean Bouin d'Angers, 30 janvier 2016. | JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Un amendement d’ouverture pour faire avaler une loi répressive : le gouvernement a tenté, jeudi 4 février, d’équilibrer le contenu d’un nouveau texte sur la gestion des violences dans les stades en ouvrant la voie à un dialogue entre les supporteurs et les dirigeants du football français.

Le volet répressif de cette loi, présentée par le député Les Républicains Guillaume Larrivé, a été confirmé par la poignée de députés présents en séance. Les interdictions administratives de stade, infligées par les préfets, passeront d’un à deux ans. Les clubs pourront refuser l’accès au stade à des supporteurs ne faisant pas l’objet d’une interdiction de stade mais ayant porté atteinte « aux dispositions prises par les organisateurs pour assurer le bon déroulement ou la sécurité de ces manifestations ».

Ces supporteurs pourront aussi être inscrits sur un fichier « dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat » et après avis de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), qui s’est opposée en 2015 à ce fichage pratiqué par le Paris-Saint-Germain.

Enfin, un amendement empêchera aux personnes interdites de stades d’accéder à un lieu de retransmission publique d’une rencontre sportive, telles les futures « fan zones » de l’Euro 2016… ou les bars équipés d’une télévision. Le gouvernement était opposé à cet amendement, jugé inapplicable.

« Responsabiliser les supporteurs »

Mobilisés contre cette loi, les « ultras » des clubs français ont néanmoins vu acceptée une de leurs revendications de longue date : être reconnus comme des interlocuteurs de leurs clubs et des instances dirigeants du sport français.

Le secrétaire d’Etat aux sports, Thierry Braillard, déplorant l’aspect uniquement répressif de la première mouture de la loi, a ainsi apporté son soutien aux amendements favorisant une meilleure représentation des supporteurs. A l’initiative du député écologiste François de Rugy, l’Assemblée nationale a voté la création d’une « instance nationale du supporterisme » et d’officiers de liaison des supporteurs dans les clubs.

Cette évolution doit permettre à la France de rattraper son retard en matière de prévention des violences dans les stades, plusieurs fois dénoncé par l’UEFA. « Il faut responsabiliser les supporteurs en créant enfin un véritable dialogue. On ne peut pas voir la question des supporteurs que sous l’angle des interdictions de déplacement », explique au Monde Thierry Braillard, auteur en 2013 avec sa prédécessrice Marie-George Buffet d’un rapport parlementaire qui proposait de réserver aux supporteurs « une place dans les conseils d’administration » des clubs.

Instance représentative

La loi ainsi modifiée prévoit que les clubs de supporteurs désignent, dans chaque club, un ou deux interlocuteurs référents chargés des relations entre les deux entités. Le football français se mettrait ainsi en conformité avec le règlement de l’UEFA et avec son esprit, qui veut que ces « officiers de liaison des supporteurs » ne soient pas des responsables de sécurité nommés par les clubs mais des facilitateurs de dialogue désignés par les supporteurs.

Ces représentants locaux figureront également au sein d’une instance nationale pluridisciplinaire, dont la composition et les attributions seront fixées par décret du ministère des sports. Son rôle principal, précise le ministre, sera de servir d’interlocuteur à la Ligue de football professionnel : « La loi va faire en sorte que cela ne bloque plus du côté de la Ligue », qui a toujours refusé le dialogue avec les deux associations de supporteurs français au motif qu’elles n’étaient pas représentatives.

La question de l’identité des représentants des supporteurs reste donc entière, mais le gouvernement n’envisage pas de choisir entre l’Association nationale des supporteurs et le Conseil national des supporteurs. Le secrétaire d’Etat aux sports juge lui aussi qu’« ils ne sont pas représentatifs ».